mardi 26 janvier 2021

La nature de Dieu


 Dieu est-il anthropomorphe ? Pense-t-il comme un humain ? Il est de bon ton de se moquer de la religion en parlant de « l'ami imaginaire » et du « SkyDaddy » des croyants. On relève avec beaucoup de rigueur les incohérences d'un Dieu omniscient avec les réactions humaines qu'il affiche dans la Bible. Un Dieu qui crée l'homme tout en sachant qu'il pêchera et le condamne à des souffrances en cas d'incroyances tout en étant pur Amour. Les chrétiens aimeraient-ils donc un tyran contradictoire et imaginaire ?
La réponse est simple et connue de l’origine même de la religion : Toutes les images sensibles et anthropomorphes de la divinité ne sont que des symboles pour évoquer une réalité supérieure.

“Ainsi faut-il parler à votre esprit, qui s’instruit seulement par des signes sensibles de ce qu’il fait ensuite objet d’intelligence. C’est pour cela qu’à votre faculté condescend l’Écriture, en donnant pieds et mains à Dieu, tandis qu’elle entend autre chose ; et que la Sainte Église à vos yeux représente sous un aspect humain Michel et Gabriel” {Paradis, IV, 40-45)


Dieu est le principe de toute chose. On ne peut donc pas le définir par les conditions dont il est lui-même l'origine comme le temps ou l'espace. Les rapports entre Dieu et les hommes peut être comparé à une sphère (en 3D) traversant une surface plane – le monde humain




Nous, créatures en 2 dimensions, sommes incapables de concevoir une dimension qui nous dépasse. Ainsi la manifestation d'une sphère sur notre plan prendra la forme d'un rond. Ce « rond » correspond analogiquement l'homme, voilà pourquoi il est dit qu'il est fait « à l'image de Dieu », mais il ne faut pas confondre l'image et ce qu'elle exprime. Dieu peut donc se manifester sur le plan humain avec ses limitations (le Christ étant la manifestation parfaite de Dieu) mais Sa nature réelle reste insaisissable et c'est ce qui explique les ellipses, les contradictions apparentes et les sentiments parfois « trop humains » appliqués à Dieu malgré son omniscience et sa transcendance.

On pourrait donc conclure avec Gustave Thibon, parlant de l'anthropomorphisme divin :

« Dieu ne peut entrer dans l'homme qu'en se rapetissant, tant la porte est basse - et aussi en se déguisant, en se présentant sous des faux noms, tant sa vraie nature est incompréhensible et indésirable pour l'homme de chair et d'orgueil. Mais, une fois entré, il reprend sa vraie stature et son vrai nom, et il fait éclater nos limites et notre moi. Pour lui aussi, la fin justifie les moyens!
Ainsi s'explique, dans la pratique religieuse, la nécessité de ces réductions du divin à l'humain et de tant de demi-mensonges qui sont comme l'enrobement pharmaceutique des plus hautes vérités.
Moralité : ne jamais confondre Dieu avec ses voies d'accès.
Dieu, comme les hommes, a sa voie étroite : celle qu'il doit emprunter pour s'introduire en nous. Faisons-lui crédit : comme le grain qui lève dans un sol rocailleux et dont les racines et la tige épousent d'abord la forme des obstacles qu'ils rencontrent, il fera bientôt éclater en grandissant toute notre misérable nature, y compris les étroits chemins par lesquels il est entré. »


mercredi 20 janvier 2021

Aphorismes de Gustave Thibon - L'ignorance étoilée

                                                               


                   

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Adorer Dieu n'a aucun sens là où il n'y a pas d'amitié - c'est-à-dire d'échanges intérieurs - avec Dieu : l'adoration n'est que l'expression d'un appétit ou d'une crainte serviles : une idolâtrie. Car le mot adorer n'implique pas a priori cette réciprocité qui est le signe essentiel de l'amitié. Cet incomparable maître à penser qu'est le langage courant ne s'y trompe pas : on dit couramment : j'adore la langouste ou j'adore le bridge, m ais il ne viendra à l'idée de personne d'affirmer (encore que le terme soit beaucoup moins fort) j'ai de l'amitié pour le bridge ou pour la langouste.

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Aux moralistes. Votre catalogue des péchés filtre le moucheron et laisse passer le chameau. Vous avez inventé beaucoup de péchés et vous en laissez subsister, que dis-je ? vous en cultivez d'autres infiniment plus profonds et plus redoutables. Plus précisément, vous dénoncez les péchés, mais non le péché - ce mal substantiel, diffus et presque incurable qu'est le consentement à la médiocrité et la religion du confort intérieur -, cette suffisance de grenouille dans l'eau stérilisée ou dans l'eau bénite - et qui se retrouve partout, y compris dans vos vertus qui sont des paravents contre le souffle de l'esprit, et jusque dans vos repentirs qui sont des purges ou des toniques pour votre petit moi soucieux de sa petite santé.

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Définition du vice : un péché commis sans plaisir. Il faudrait étendre cette formule et distinguer deux sortes ,de vices : les péchés commis sans plaisir et les vertus pratiquées sans amour.
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Dieu ne peut entrer dans l'homme qu'en se rapetissant, tant la porte est basse - et aussi en se déguisant, en se présentant sous des faux noms, tant sa vraie nature est incompréhensible et indésirable pour l'homme de chair et d'orgueil. Mais, une fois entré, il reprend sa vraie stature et son vrai nom, et il fait éclater nos limites et notre moi. Pour lui aussi, la fin justifie les moyens! Ainsi s'explique, dans la pratique religieuse, la nécessité de ces réductions du divin à l'humain et de tant de demi-mensonges qui sont comme l'enrobement pharmaceutique des plus hautes vérités. Moralité : ne jamais confondre Dieu avec ses voies d'accès.
Dieu, comme les hommes, a sa voie étroite : celle qu'il doit emprunter pour s'introduire en nous. Faisons-lui crédit : comme le grain qui lève dans un sol rocailleux et dont les racines et la tige épousent d'abord la forme des obstacles qu'ils rencontrent, il fera bientôt éclater en grandissant toute notre misérable nature, y compris les étroits chemins par lesquels il est entré.-

Les stoïques, en prêchant le non-désir et l'indifférence, n'ont pas assez mis l'accent sur l'aspect positif du dépouillement - et leur doctrine apparaît par-là comme une apologie de l'insensibilité et du néant. En réalité, ne rien désirer, c'est se réserver pour le seul objet qui ne soit pas indigne de notre désir, c'est prendre de la distance avec le monde des choses bornées et tyranniques, non pour les perdre à jamais, mais pour les retrouver dans la pureté de leur source (car la distance infinie appelle l'intimité absolue), c'est passer de l'esclavage de l'attachement à la liberté de l'amour - en un mot, c'est transformer les biens de la Fortune en biens de l'âme : les choses viennent à moi comme des fiancées dans la mesure où je cesse de les poursuivre comme des proies et mon royaume intérieur s'accroît de tous mes refus de porter la main sur le monde extérieur. Le renoncement à l'avoir a pour effet la transmutation de l'avoir en être. Et c'est dans ce sens qu'il faut entendre le « bienheureux les pauvres », le « malheur aux riches » et la parabole du festin où les derniers seront les premiers. La passion, sous toutes ses formes, reste radicalement étrangère à cette dialectique du rien et du tout, de la solitude et de l'échange. Elle colle à son objet, ce qui signifie qu'elle est tout aussi incapable de s'en détacher que de le posséder du dedans, qu'elle exclut à la fois la distance et l'intimité.

mercredi 13 janvier 2021

Actualité ou Actualités - Vieux Jade




Depuis l’avènement massif des media, depuis les almanachs de la Renaissance, les gazettes de la Révolution capitaliste, jusqu’aux niouz, l’humanité vit au rythme des actualités.

C’est quoi ?

Actualité, actualités, est-ce la même chose ?

C’est quoi pour vous, l’actualité, quand vous ouvrez l’œil, le matin ? C’est l’interaction entre vous, ce mainstream plus ou moins permanent et le monde soudain ressurgi. Entre un monde intérieur et personnel qui se referme provisoirement et un autre qui vous attend de pied ferme.

L’actualité, c’est ouille j’ai bobo là, un éclair de joie qui rebondit sur le soleil du matin, le café qui passe et glougloute, les nuages noirs, la pluie sans fin, la vie sans faim, les oiseaux qui ne cachent rien, dans un langage fermé aux hommes.

Plus tard, c’est la circulation, les événements qui happent, les gens qui gueulent, la course incessante jusqu’au poteau FIN, retour à la couveuse de la nuit.

C’est actuel, c’est ici, c’est présent, ça vous touche de près. Aux questions posées, vous pouvez apporter des réponses variées, plus ou moins satisfaisantes, plus ou moins opportunes, plus ou moins adaptées, mais qui sont vos réponses propres.

Un modelage, une lutte, une danse, amour et sueur. 

Lorsque vous êtes plus ou moins sorti des réactions purement mécaniques qui vous agitaient en tous sens, vraie girouette, vous pouvez, en vous changeant, en huilant les axes, améliorer, perfectionner le mouvement, le fluidifier, lui donner plus de grâce et de légèreté, selon que vous-même vous serez philosophalement transmuté.

En dernier ressort, l’actualité, c’est la présence au monde, l’interaction entre le Vertical, l’Intime, et l’Horizontal, autre.

Les actualités, c’est l’inverse.

Allumez la radio : une tornade venue des régions de l'enfer balaie vos sens, réclame toute votre attention à propos d’événements réels dont aucun n’a lieu dans votre proximité, exige votre implication immédiate et constante dans des sujets dont rien ne vous concerne, votre reddition immédiate et sans conditions.

C’est un filet qu’un pouvoir extérieur et lointain jette continuellement sur vos sens captifs, et dont le vecteur principal était il y a encore peu la télévision, mot composé qui exprime la capacité de voir ce qui se passe au loin.

Qui trop embrasse mal étreint, dit cependant l’antique sagesse. Qui voit loin ne voit souvent rien de ce qui lui est actuel en propre.

Si j’ai le pouvoir d’agir sur ce qui m’est proche, comment changer les guerres, les viols, les massacres, l’esclavage, le trafic international de chair humaine, panser toutes les plaies ?

On nous fait croire qu’en donnant de l’argent à des ONG nous agissons contre l’injustice. Mensonge, extorsion de fonds. L’argent ne sert qu'à ceux qui le dépensent à votre place, souvent dans des palaces, comme l'avait déjà dénoncé Haroun Tazieff dans les années 1970.

Rien ne change. Partout le mal empire. Peu à peu, on renonce. On s'en veut. On se mine. Au sens propre. Notre enthousiasme initial s'est minéralisé en charbon noir, en regrets amers qui sortent de nous en flots gris. On ressasse l'échec. Le monde est empli de gens aigris. Et gris. Cela maintient la grisaille sur Terre, un brouillard propice aux choses qui rampent et à ceux qui recherchent le pouvoir.

Notre indignation impuissante et frustrée est une énergie inépuisable, le carburant qui permet aux injustes de se maintenir.

Voir loin, tout savoir, s’indigner, c'est du du vent. Nada.

Reviens à toi. Entre chez toi, fais du ménage dans ta maison.

Ferme les robinets d’eau sale qui dégueulent partout, les radios, les télés, les journaux, le net.

Ferme tout. Reviens à l’actualité.

Elle est là, au bout de ton nez, quand tu inspires doucement, dans ton Centre.

Seule la paix née du contact parfait entre toi et Toi, ou Lui, qu'importe, amènera la paix en cette sphère. Toi, moi, elle, reprenons le contrôle de notre actualité. C'est ainsi seulement que le monde changera, loin.

Le Grand Oeuvre (grande ouverture) commence par la fermeture à la pourriture et aux séductions du dehors.

Vieux Jade

dimanche 10 janvier 2021

Les aryens ne sont pas une race - Shri Aurobindo

 Voici ce que Sri Aurobindo, poète, révolutionnaire et yogi indien entendait par le terme « Aryen », mot trop souvent mal utilisé et mal compris en Occident. Ce texte est extrait d’une réponse que Sri Aurobindo donna à un lecteur de « l’Arya », une revue qu’il éditait au début du 20ème siècle :

Aryen -

Les Indiens connaissent ce mot, mais il a perdu pour eux l’importance qu’il revêtait pour leurs ancêtres. La philologie occidentale en a fait un terme ethnologique lié à une race mal définie dont varie la valeur suivant les hypothèses. Il en est, maintenant, qui même parmi les philologues, commencent à reconnaître que ce terme, en son emploi originel, exprimait non une différence de race, mais une différence de culture. Dans le Véda, en effet, les peuples aryens sont ceux-là qui avaient accepté un mode particulier de culture de soi, d’entraînement intérieur et extérieur, d’idéalité, d’aspiration. Les dieux aryens étaient les puissances supra-physiques aidant les mortels dans leur lutte pour acquérir la nature de la divinité. Ce mot ârya résumait à lui seul les plus hautes aspirations de la race humaine à son début, son plus noble tempérament religieux et les tendances les plus idéalistes de sa pensée.  




     Plus tard, le mot ârya exprima un idéal éthique et social particulier, un idéal de vie bien conduite, de sincérité, de courtoisie, de noblesse, de loyauté, de courage, de bienveillance, de pureté, d’humanité, de compassion, de protection des faibles, de générosité, d’observance du devoir social, de soif de connaissance, de respect pour les sages et les savants et les réalisations sociales. C’était l’idéal à la fois du brâhmane et du kshatriya (1). Tout ce qui s’écartait de cet idéal, tout ce qui tendait à être vil, mesquin, obscur, grossier, cruel ou faux était qualifié de non aryen. Aucun mot du langage humain n’a de plus noble histoire.


(1) Brâhmane et Kshatriya : la caste sacerdotale et la caste chevaleresque


    Aux premiers temps de la philologie comparée, lorsque les érudits cherchèrent dans l’histoire des mots l’histoire préhistorique des peuples, on crut que le mot ârya dérivait de la racine ar, labourer, et que les Aryens védiques furent ainsi nommés quand ils se séparèrent de leurs parents du Nord-Ouest, qui méprisaient les travaux d’agriculture et demeurèrent bergers ou chasseurs. 

Cette hypothèse ingénieuse n’a guère ou même point de base. Mais en un sens, nous pouvons accepter la dérivation. Quiconque cultive le champ que l’Esprit Suprême a fait pour lui – sa terre de plénitude intérieure et extérieure – quiconque ne le laisse pas sans produire ni ne permet que l’ivraie l’étouffe, mais travaille pour en tirer tout ce qu’il peut donner, celui-là, par cet effort même, est un Aryen.


      Si ârya n’était qu’un terme de race, une étymologie plus vraisemblable serait ar, force ou vaillance, qui vient de ar, combattre, d’où Arès, le nom du dieu grec de la guerre, et peut-être même aréïos, vertu, qui a d’abord, comme le latin virtus, le sens de force et de courage physiques, puis celui de force et d’élévation morales. Nous pouvons aussi accepter ce sens pour ârya. « Nous combattons pour acquérir la Sagesse sublime, c’est pourquoi les hommes nous appellent guerriers. » 

Car la Sagesse implique choix et connaissance de ce qui est le meilleur, le plus lumineux, le plus divin. Certainement, elle signifie aussi la connaissance de toutes choses, la charité et le respect à l’égard de toutes choses, même de celles qui paraissent les plus misérables, les plus laides ou les plus obscures, pour l’amour de la Déité universelle qui choisit de demeurer également en toutes. Mais encore, la règle de l’action correcte est un choix, c’est préférer ce qui exprime la divinité à ce qui la dissimule. Et le choix entraîne une bataille, une lutte. On ne le fait pas facilement et on ne le met pas facilement en pratique.



      Quiconque fait ce choix, quiconque cherche à s’élever de palier en palier vers la hauteur divine, sans rien craindre, sans se laisser rebuter par aucun retard ni aucun échec, sans se dérober devant une vastitude parce qu’elle est trop vaste pour son entendement, ni devant une hauteur parce qu’elle est trop haute pour son esprit, ni devant une grandeur parce qu’elle et trop grande pour sa force et son courage, celui-là est l’Aryen, le combattant et le vainqueur divins, le noble, aristos, le meilleur, le shreshtha de la Guîta.


     Intrinsèquement, dans son sens le plus fondamental, ârya veut dire effort, ascension, triomphe. L’Aryen est celui qui combat et triomphe de tout ce qui, en lui ou hors de lui, fait obstacle au progrès humain. La conquête de soi est la première loi de sa nature. Il triomphe de la matière et du corps et n’accepte pas, comme le fait l’homme ordinaire, leur pesante lenteur, leur inertie, leur routine mortelle et leurs limitations tamasiques (2). 

Il triomphe de la vie et des énergies vitales et refuse d’être dominé par leurs faims et leurs fringales ou asservi par leurs passions râdjasiques (3). Il triomphe du mental et de ses habitudes, il ne vit pas dans une coquille d’ignorance, de préjugés héréditaires, d’idées communes, d’opinions agréables mais sait comment chercher et choisir, comment être d’une intelligence large et souple, tout en ayant une volonté ferme et forte. Car en toutes choses, il recherche la vérité, en toutes choses la justice, en toutes choses la grandeur de la liberté.


     Pour lui, le but de sa conquête de soi est sa propre perfection. Il ne détruit pas donc pas ce qu’il conquiert, mais l’ennoblit et le complète. Il sait que le corps, la vie et le mental lui sont donnés afin qu’il parvienne à quelque chose qui leur soit supérieur ; ceux-ci doivent donc être dépassés et surmontés, leurs limitations repoussées, et l’assouvissement de leurs plaisir rejeté. 

Mais il sait également que le Très-Haut n’est pas une nullité dans le monde, mais qu’Il s’y exprime de plus en plus, que c’est une Volonté, une Conscience, une Béatitude divine, un Amour divin se déversant, dans les termes de la vie inférieure, sur celui qui Le trouve et, alentour sur tout ce qui est capable de Le recevoir. C’est cela qu’il cherche, et il en est le serviteur et l’amant. Quand il l’a atteint, il le répand sur l’humanité sous forme d’activité, d’amour, de joie et de connaissance. L’Aryen, en effet, est toujours un travailleur et un guerrier. Il ne s’épargne aucun labeur mental ou corporel, soit qu’il cherche le Très-Haut, soit qu’il Le serve. Il n’esquive aucune difficulté, ni ne cède à la fatigue. Il combat sans cesse pour l’avènement de ce royaume en lui-même et dans le monde…


(2) Tamasique : de tamas, l'un des 3 gunas (qualités) à l'origine de toute manifestation. Tamas représente l'obscurité, l'ignorance.


(3) Radjasique : de radjas, le guna de dynamisme, de passion


Source

jeudi 7 janvier 2021

Le vrai remède à la souffrance du monde - Frithjof Schuon

 Selon la conviction unanime de l'ancienne Chrétienté et de toutes les autres humanités traditionnelles, la cause de la souffrance dans le monde est la déchéance de l’homme et non un simple manque de science et d'organisation. Nul progrès ni nulle tyrannie ne viendra jamais à bout de la souffrance; seule la sainteté de tous y parviendrait dans une certaine mesure, s'il était possible en fait de la réaliser et de transformer ainsi le monde en une communauté de contemplatifs et en un nouveau Paradis terrestre.

Ce n'est pas à dire, assurément, que l'homme ne doive pas, conformément à sa nature et au simple bon sens, chercher à vaincre les maux qui se présentent dans sa vie; pour cela, il n’a besoin d’aucune injonction divine ni humaine. Mais chercher à établir dans un pays un relatif bien-être en vue de Dieu est une chose, et chercher à réaliser le bonheur parfait sur terre et en dehors de Dieu en est une autre ; ce second but est voué d'avance à l'échec, précisément parce que l’élimination durable de nos misères est fonction de notre conformité à la Nature divine, ou à notre fixation dans le « royaume de Dieu qui est au-dedans de vous ».

Tant que les hommes n'auront pas réalisé l’ « intériorité » sanctifiante, l'abolition des épreuves terrestres est non seulement impossible, elle n'est même pas désirable; car le pécheur — l’homme « extériorisé » — a besoin de souffrance pour expier ses fautes et pour s’arracher au péché, ou pour échapper à « l’ extériorité » dont le péché dérive.
Au point de vue spirituel, qui seul tient compte de la vraie cause de nos calamités, le mal est, non par définition ce qui fait souffrir, mais ce qui, même avec un maximum de confort ou d’agrément, ou de « justice » si l’on veut, frustre un maximum d’âmes de leurs fins dernières. Tout le problème se réduit en somme au nucléus de questions suivant : à quoi bon éliminer des effets si la cause demeure et continue à produire indéfiniment des effets semblables ?

Et à plus forte raison : à quoi bon éliminer les effets du mal au détriment de l'élimination de la cause même ; et enfin, à quoi bon les éliminer en remplaçant la cause par une autre encore bien plus pernicieuse, à savoir la haine du Souverain Bien et la passion des choses impermanentes ? En un mot : si l'on combat les calamités de ce monde en dehors de la vérité totale et du bien ultime, on créera des calamités incomparablement plus grandes, à commencer, précisément, par la négation de cette vérité et la confiscation de ce bien ; ceux qui entendent libérer l'homme d'une « frustration » séculaire sont en fait ceux qui lui imposent la plus radicale et la plus irréparable des frustrations.
 

Les fruits de l'utopie communiste


Certes, il est dans la nature de l’homme de chercher à améliorer le monde, mais il faut le faire d'une façon pleinement humaine et par conséquent divine. « Qui n'assemble pas avec Moi, disperse » : cette parole, comme bien d'autres, semble être devenue lettre morte et pourtant : « L'Eglise doit scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Evangile », nous apprend une encyclique. En attendant, c’est mathématiquement l'inverse qui se fait. 

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Comprendre la religion, c'est l'accepter sans lui poser des conditions désinvoltes ; lui poser des conditions, c'est évidemment ne pas la comprendre et la rendre subjectivement inefficace ; l’absence de marchandage fait partie de l'intégrité de la foi. Poser des conditions, — que ce soit sur le plan du « bien-être » individuel ou social ou sur celui de la liturgie que l’on voudrait aussi plate et triviale que possible, — c’est ignorer fondamentalement ce qu'est la religion, ce qu’est Dieu et ce qu'est l’homme; c’est réduire d’emblée la religion à un arrière plan neutre et inopérant qu’elle ne saurait être en aucune façon, et c’est lui enlever d’avance tous ses droits et toute sa raison d’être.
L'humanitarisme profane, avec lequel la religion officielle entend se confondre de plus en plus, est incompatible avec la vérité totale et par conséquent aussi avec la véritable charité, pour ia simple raison que le bien-être matériel de l’homme terrestre n’est pas tout le bien-être et ne coïncide pas, en fait, avec l'intérêt global de la personne humaine immortelle. 

« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît » 
Matthieu (6, 33)

Source : Esotérisme comme principe et comme voie - Frithjof Schuon

mardi 5 janvier 2021

LA FOI - Emmanuel d’Hooghvorst



Nous trouvons dans le Coran, Sourate 28 L’Histoire, au verset 37:

"Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire et qui auront le paradis pour récompense. Certainement la félicité ne sera point le partage des méchants."

Je ne sais pas si vous vous rendez suffisamment compte de la nécessité de la foi dans la voie où nous sommes engagés. Tous les dons parfaits viennent de Dieu seul, et on dirait que cela gêne terriblement beaucoup de gens tant on les voit s’agiter pour essayer d’obtenir par eux-mêmes ce qu’ils refusent de demander à Dieu. Il est fort difficile au début de comprendre la nécessité et la valeur de la foi en Dieu. Je le sais par expérience personnelle et c’est pour cela que j’attire votre attention sur cette nécessité. Et je voudrais préciser ma pensée. Pour employer le langage de la théologie catholique, la foi est une vertu que nous pouvons envisager sous deux aspects différents, un aspect théologique et un aspect théologal.

Le nombre des croyants qui possèdent la vertu théologique de la foi est très nombreux. Nous côtoyons tous les jours des gens, qu’ils appartiennent ou non à une religion, qui nous disent qu’ils croient en Dieu. Ils croient en Dieu théologiquement, ils croient par exemple au Dieu de Voltaire, l’horloger qui a fabriqué et remonté la pendule du monde. C’est une foi peut-être un peu sentimentale, mais surtout intellectuelle ; c’est l’esprit qui s’incline devant l’évidence de l’existence de Dieu.

Mais cette foi n’entre pas dans leur vie. Toute autre est la foi théologale, et, celle-là beaucoup plus rare. C’est la foi qui pénètre toute notre vie, et qui règle notre comportement dans ce monde et celle-là seule a quelque valeur aux yeux de Dieu parce qu’elle établit en quelque sorte avec lui un lien de familiarité, un lien de famille, un lien qui fait que nous nous faisons connaître à Dieu. C’est pour cela que le prophète dit :

 Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire.

C’est ainsi que la vie du croyant doit être absolument différente de celle du profane qui est obligé de travailler sans cesse et de s’agiter pour vivre, parce qu’il est seul au monde et qu’on peut dire d’une certaine façon que là, Dieu ne le connaît pas, même s’il participe tous les dimanches à l’office divin, même s’il récite mécaniquement tous les jours des prières apprises par cœur. Le véritable croyant est calme, serein, toujours joyeux et quand il désire quelque chose, il le demande à Dieu, sans rien attendre du monde, ni de lui-même. C’est un grand bienfait de Dieu, d’avoir cette foi, et peut-être ne la possédons-nous pas. Dans ce cas commençons par le demander à Dieu, par lui demander de nous l’accorder, non par l’effet de nos mérites personnels mais en vertu de sa miséricorde. Sachez que si vous avez la foi, tout ce que vous demanderez à Dieu, Il vous l’accordera : vous m’entendez bien ! Tout ce que vous demanderez avec foi, vous le verrez se réaliser. C’est un secret dangereux et terrible que je vous donne là. Prenez donc bien garde à ce que vous demanderez, pour ne pas demeurer ridiculement au dessous du don de Dieu.


Peut-être avez-vous déjà lu dans ce livre admirable qu’est l’histoire des chevaliers de la Table Ronde, l’histoire de la quête du Saint Graal par Lancelot du Lac. Ce chevalier, parti comme tant d’autres à la recherche du Graal, apporté autrefois par Joseph d’Arimathie dans la Bretagne Bleue, parvint un jour comme Hercule à l’embranchement de deux voies qui se séparaient en forme de Y.
Et il entendit une voix qui l’avertissait que ces deux voies menaient à un but bien différent. L’une était celle de la chevalerie terrestre, l’autre bien plus difficile, de la chevalerie célestielle ; et la voix l’avertissait que s’il choisissait cette dernière, il lui faudrait d’autres armes que celles qu’il avait employées jusque-là. Lancelot s’y engagea. Je passe sur les longs détails des événements qui lui advinrent par la suite. Mais un jour, après avoir longtemps erré dans la forêt solitaire, après avoir durement combattu, après avoir beaucoup prié, il vit soudain se dresser devant lui, comme par magie, le château enchanté, le Castel du Graal en lequel se trouve le parfait contentement.

Il traversa le pont levis et pénétra tout armé dans la cour du château où il vit quatre lions rugissants prêts à lui barrer la route. Lancelot qui avait le cœur brave, en avait vu d’autres. Il baissa sa lance, se mit en garde et mit son cheval au galop pour foncer sur les lions. Mais à ce moment, une main invisible lui asséna une gifle avec une telle force qu’il roula à terre, désarçonné. Tandis qu’il se relevait tout piteusement, considérant son casque bosselé, étirant ses membres endoloris, il entendit une voix céleste qui lui disait : 

« O Lancelot, tu as trop préjugé de tes forces, ici tes armes ne valent rien, tu as choisi une voie qui n’était pas pour les orgueilleux comme toi. Si seulement, tu avais eu la foi en l’amour de ton Seigneur, tu serais passé tranquillement devant ces lions qui se seraient écartés devant toi, car ils eussent reconnu en toi un familier de la maison ». 

Car ici, je dois ajouter quelque chose à ma définition de la vertu théologale de la foi : ce n’est pas la foi en Dieu que nous devons avoir seulement, mais la foi en l’Amour de Dieu, car c’est à cela que le Père reconnaît ses enfants. Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire… Il les reconnaît au fait qu’ils croient en son amour. C’est le même prophète Mahomet qui dit quelque part que Dieu ne donne sa sagesse qu’à ceux qui ont un cœur.

SOURCE

dimanche 3 janvier 2021

De la charité - Frithjof Schuon et Leo Schaya

La plupart de nos contemporains semblent oublier que dans la vraie charité Dieu est « premier servi », comme disait Jeanne d’Arc ; c’est-à-dire qu’on oublie que la charité, c’est essentiellement : aimer Dieu plus que nous mêmes, aimer le prochain comme nous-mêmes, donc nous aimer nous-mêmes, mais moins que Dieu ; ne pas aimer le prochain plus que nous-mêmes, et ne pas nous croire obligés de lui donner ce que, à notre avis, nous ne mériterions pas si nous étions à sa place.


Aimer Dieu n’est pas cultiver un sentiment - c’est-à-dire quelque chose dont nous jouissons sans savoir si Dieu en jouit - mais éliminer de l’âme ce qui empêche Dieu d’y entrer ; ou encore, c’est réaliser en nous ce qui, en vertu des correspondances analogiques, est conforme à la Présence divine. Aimer le prochain - et il faut l’aimer en fonction de notre amour de Dieu et en vertu de l’amour de Dieu pour nous - c’est se placer dans l’autre, abolir la distinction illusoire entre « moi » et « toi », comme l’amour de Dieu est au fond l’abolition de la séparation qui « nous » éloigne de « Lui ». L’amour du prochain opère indirectement la Présence divine en nous : quand l’homme se place dans le prochain, Dieu se place dans l’homme ; abolir ce qui nous sépare du prochain, c’est abolir ce qui nous sépare de Dieu.





Nous pourrions aussi nous exprimer ainsi : si nous devons aimer Dieu, et l’aimer plus que nous-mêmes et le prochain, c’est parce que l’amour existe avant nous et que nous en sommes issus ; nous aimons de par notre existence. Nous n’aimons, en dernière analyse, que par Dieu et pour Dieu ; or il est de toute évidence illogique d’aimer les effets éphémères en dehors de leur Cause immuable : en revanche, quiconque aime la Cause, aime par là même ce qui rend aimables les effets, à savoir la Cause qui s’y manifeste par les qualités. Aimer les créatures en dehors de Dieu, est aussi insensé que de vouloir enfermer les rayons solaires dans une boîte.

Maintenant, si en aimant la Cause divine nous aimons ce qui rend aimables les choses terrestres, cet amour de la Cause exige de nous l’amour des effets, non pour eux-mêmes ni pour nous-mêmes, mais par amour de la Cause. La passion pour la créature enlève à l’amour son objet réel et sa raison suffisante, elle ne fait donc point partie de la charité ; qui aime l’effet pour lui même, ne l’aime précisément pas en tant qu’effet, mais comme une cause, et c’est là prendre la créature pour ce quelle n’est pas, et haïr indirectement la Cause dont dérive toute perfection et tout amour.

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Cette perspective explique pourquoi nous devons aimer aussi nos ennemis : c’est qu’ils existent, ce qui prouve que Dieu les aime a priori ; du reste, leur inimitié peut n’être qu’accidentelle, et dans ce cas, il se peut qu’ils soient meilleurs que nous et que Dieu les aime plus que nous. Nous ne sommes peut-être pas capables d’en juger, bien que, d’un autre côté, la charité ne nous dispense jamais du discernement entre la vérité et l’erreur, là où l’alternative se pose ; mais même quand notre intelligence, don de Dieu, nous permet de constater que nous avons raison et que d’autres ont tort - ou plutôt quelle nous oblige à cette constatation, que nous le voulions ou non — nous ne pouvons échapper à la loi d’amour, c’est-à-dire qu’il faut nous unir en toute circonstance à l’amour qui est là, qui préexiste, qui nous a créés et nous soutient - l’amor che muove il sole e l’altre stelle (Dante, Paradiso) — et qui englobe tout ce qui existe avec nous.

La doctrine du Christ, laquelle situe le mystère de la charité au centre de la vie spirituelle, tient en ces mots : aimer le prochain comme soi-même, et l’aimer comme Dieu aime la création (sa manifestation) afin de participer à cet amour universel, et par conséquent : aimer celui qui nous hait, parce que l’Amour divin englobe toute la création, et parce qu’il faut surmonter la scission illusoire entre « moi » et « l’autre ». Chez Dieu, l’amour est bienheureuse affirmation de soi : en lui-même par la Béatitude, et « en dehors » de lui-même par la création ; celle-ci est comme l’effusion de la Béatitude divine dans le néant. Dieu est Amour, dans sa Vie et dans son Acte.






[Une] dernière réserve s'impose.
Prenons l'exemple de l'amour qui commande à certains moments de «tendre la joue gauche »après avoir été «frappé sur la joue droite », au lieu de suivre la réaction naturelle de frapper en retour. Nous disons : à certains moments, et non dans tous les cas, car si le pardon est une expression de l'amour, la rigueur peut l'être également ; sans elle, des malfaiteurs poursuivraient leurs actions néfastes en se complaisant irrémédiablement dans leurs erreurs, et de ce mal souffriraient non seulement leurs victimes, mais encore eux-mêmes bien plus profondément.
C'est pourquoi la réaction naturelle de frapper en retour, lorsqu'elle est motivée par une telle vérité, rejoint l'attitude spirituelle qui, dans d'autres cas, se manifeste par le pardon. Mais si une réaction sévère ne s'impose pas nécessairement sur-le-champ, l'homme spirituel la recule en pardonnant encore et encore, pour essayer de ramener le prochain en douceur à la vérité. Il imite ainsi la longanimité de Dieu qui, Lui, —selon l'islam—«s'est prescrit la Miséricorde» et qui a dit : «En vérité, Ma Clémence a précédé Ma Colère. »De même, pour le chrétien, «Dieu est Amour», et l'amour vrai de l'homme «couvre la multitude des péchés».

Le juge qui condamne un criminel estime qu’il mériterait lui-même le châtiment s’il avait commis le crime. Il est absurde de vouloir abolir la peine de mort - mesure de charité à l’égard de la collectivité ! - sous prétexte qu’on n’aimerait pas être à la place du condamné ; mais être à la place du condamné, c’est en même temps être l’assassin ; si le condamné peut mériter notre sympathie, c’est précisément parce qu’il peut reconnaître son crime et désirer le payer de sa vie, en sorte qu’il n’y a plus d’antagonisme entre lui et nous

Extraits de 
Frithjof Schuon: 
Les Stations de la Sagesse - COMPLEXITÉ DE LA NOTION DE CHARITÉ 
L'Unité transcendante des religions - NATURE PARTICULIÈRE ET UNIVERSALITÉ DE LA TRADITION CHRÉTIENNE
Leo Schaya: 
La Création en Dieu

samedi 2 janvier 2021

Alimentation sacrée



En ces temps d’hystérie collective où la platitude «materialoconsumériste» est à son comble, replaçons un peu d’ordre, c’est à dire de sens, dans ce monde qui en manque cruellement tant il a la manie frénétique de tout vouloir inverser.

A l’heure où la grande majorité des gens n’ont comme seule et unique préoccupation que de remplir leur ventre et point nourrir leur âme, arrêtons-nous donc un instant sur le caractère Sacré de l’alimentation.
Le corps reproduit analogiquement à son niveau et nécessairement, ce processus d’unification qui est la raison d’être de l’âme: identification par la Connaissance (non des choses extérieures, mais des réalités intérieures, «archétypales» ou «essentielles» dont les multiples phénomènes extérieurs ne sont que les projections concrètes, c’est la Connaissance en-soi). 

Nous invitons le lecteur à prêter particulièrement attention à ce qui va suivre et qui est capital pour la compréhension de ce mystère, et nous employons ce mot à dessein (voir à cet égard les religions à mystères del’antiquité où le repas sacré constituait le rituel principal de l’Initiation), oui, ce mystère que constitue le repas.

L’absorption d’un aliment a toujours été un acte rituel, un acte symbolique en soi (le rite étant un symbole «agi»), pouvant et devant servir de support à la Contemplation; donc un acte hautement qualitatif. Ce rite est sacré parce que son «modèle» qui est la nourriture de l’âme, l’assimilation de la Sagesse contemplative, l’est.

En nourrissant son corps, ce n’est pas principalement lui qui est «nourrit» mais son âme, par l’acte symbolique lui-même, support de contemplation. La nutrition est assimilation, l’homme réduit la nourriture en la mâchant puis en la digérant, il la «néantise» en la transformant, il brise la forme; d’une certaine façon il rend «immatériel» le «matériel», «incrée» le «créé».  

Par cette opération il libère la «vertu» de l’aliment, sa «puissance», son «être» propre qui a donné «forme et vie» à ce dernier; ainsi il se l’unit à lui de façon plus essentielle. C’est exactement, à son niveau encore une fois, c’est à dire à un degré inférieur en ce qui concerne le corps, analogiquement la vocation de l’âme: réaliser, par l’intériorité connaissante unitive ou l’«intuitio intellectualis», la «non-réalité» des choses extérieures.

Le rituel de la restauration, et puisqu’il en est un, comporte la prononciation de paroles à l’égard de la nourriture (action de grâces et bénédiction par exemple mais le sens est universel, que l’on songe aux mantras de la tradition hindoue), dont la signification est ici: il s’agit de rendre pur ce qui est «impur», rendre «vrai», «réel» ce qui ne l’est pas en soi, seul l’Esprit l’est et donc c’est Lui qui prête vie et «réalité». La parole est souffle dont le rythme est donné par le coeur, on inspire (retour à l’Esprit, au Non-Manifesté) et lorsqu’on inspire on ne peut parler; la parole est manifestée, prononcée, lors de l’expiration qui porte les mots en rythme; l’Esprit se manifeste par la parole (le verbe) lors de son «expir» et insuffle donc la vie. C’est le Verbe qui est Vérité et Vie qui rend ainsi «vraies» les différentes vérités relatives, car créées, symbolisées ici par les aliments, et ainsi qui les unit à Lui. «Le Verbe fait chair».

Et cette purification se manifeste, comme nous l’avons vu, par le souffle qui est en même temps parole sacrée, car émanant de la bouche de l’être purifié par le «souvenir de Dieu». «Ce dont le coeur est plein déborde dans la bouche» dit le Christ, et encore Salomon «le travail de l’homme est dans sa bouche» car «la bouche de l’homme parle de ce qui lui est le plus intérieur»(Maître Eckhart)

L’homme ayant le sens du Sacré remercie le Dieu Créateur de toute chose pour ce qui lui a été donné d’avoir dans son assiette (mot qui renvoie à la notion d’équilibre et d’harmonie), il Lui rend grâces; et ce rituel tout simple, enfantin et Dieu aime les enfants (c’est à dire ceux qui se rendent petits, pauvres en esprit), aujourd’hui moqué, est à lui seul une purification…  


Nous pouvons dire également ceci: le Principe, Dieu, dans sa fonction de Création, se manifeste de façon centrifuge (du centre vers la périphérie), il en va de même de l’âme lorsqu’elle crée, se «manifeste» extérieurement, ainsi de la conception traditionnelle de l’Art (qui est contemplation des «idées» principielles réfléchies dans le mental et projection de celles-ci dans la matière de l’oeuvre).

Le corps, lui, comme «au bout de la relativité», lorsqu’il se nourrit ramène de façon centripète les choses, de l’extérieur vers l’intérieur dans ce processus de réintégration complémentaire à celui de toute manifestation. C’est le symbolisme cosmologique de la double spirale. Et il ne peut en être autrement, rien ne se situant en dehors du «Tout». Tout dans la Manifestation renvoie à l’Unité. Et c’est aussi la raison pour laquelle le repas doit se prendre lentement, cette phase de retour à Dieu, Principe de toute chose, doit faire appréhender l’Eternité du Banquet Céleste, à Sa Table. Festina Lente.


Ayant compris et accompli cela, l’homme devient «Roi», c’est le sens du vocabulaire employé: on se «restaure», c’est un «régal»…Il est Roi car il a recouvré sa «Totalité», sa «Plénitude», son «état primordial» où il est «par lui-même», «autonome»;
cette «Totalité» est synonyme de Paix, il est en repos car il est repu après un repas au cours duquel il mène les aliments en son palais, l’intérieur de sa bouche, où ceux-ci révèlent alors les saveurs en eux cachées. L’intérieur se révèle à l’intérieur; à sens subtil processus subtil.


Le lecteur doit comprendre la signification hautement spirituelle de cet acte pourtant quotidien.

L’homme ne se nourrit pas pour vivre, il se nourrit pour «apprendre à mourir» si le lecteur veut bien nous comprendre. Il se nourrit de la «Parole de Dieu», ceux qui la «gardent, vivent». S’il se nourrit, comme nous l’avons montré, c’est uniquement pour s’élever spirituellement, sa vocation première.
Il assure sa subsistance normalement; «le reste vous sera donné par surcroît», Dieu sait mieux que quiconque ce qu’il nous faut pour vivre, et Il est généreux; faisons-Lui confiance, Il ne sait que donner, l’homme de la Tradition le sait, il en est certain: Dieu n’abandonne pas ceux qui s’abandonnent. On pourra nous objecter qu’il faut bien manger pour vivre, certes, mais sans excès ni avidité, et il ne faut surtout pas s’en soucier…


«Que de choses dont je n’ai pas besoin!» s’écria Socrate traversant le marché d’Athènes, que dirait-il aujourd’hui?


Le lecteur peut aisément, ou tout du moins c’est ce que nous souhaitons après ce que nous venons d’exposer, saisir le pourquoi de toutes ces émissions (sans parler de la publicité étouffante et surabondante…) sur la «bouffe», car on ne se restaure plus, on «bouffe» et vite en plus, et même debout (!) ou encore en marchant (!!)…

La moderne contre-tradition ne se soucie pas de ce que les corps soient mal-nourris, gros, difformes, ça n’est qu’une conséquence logique, elle veut que les âmes soient «obèses», lourdes, surchargées, avides et cupides, tournées continuellement vers l’extérieur.

Très significatifs également sont les «grands-messes» télévisées: les journaux du treize et du vingt heures. A l’heure du repas, cela ne fût pas anodin, le hasard n’existe pas. Parodie de «création», «contre-création» qui fait des «contre4 actualités». L’homme pourrait se recentrer un peu, que non, on va gaver son mental encore plus, en s’adressant toujours plus à son extériorité. «Le Monde vous parle!», vous êtes priés de l’écouter. On superpose une extériorité à une autre encore plus éloignante et délétère, l’entraînant dans l’univers de la machine déshumanisante et broyante.

Il perçoit la «réalité», de plus, mais c’est secondaire, celle mensongère qu’on veut bien lui montrer et lui expliquer, car la machine explique, la «machine à images», la machine qui pense et qui parle, la machine qui montre et décrypte la «sacro-sainte» actualité derrière laquelle tout le monde courre comme des chiens tenus en laisses derrière leurs maîtres, et les colliers sont de fer.
Car on a même appelé ça les «actualités»…Il n’y a rien de plus anti-actuel par nature. Etre actuel c’est être présent, c’est à dire actif au sens propre, on fait «acte de présence», on «est» là; cela concerne l’être dans son entièreté: actualiser c’est réaliser cet état de présence à soi et en soi.  


Ici, il n’y a que passivité car l’être est soumis aux passions, il sort de lui; il ne s’agit pas d’«actualité» mais de «contre-actualité» par nature, et quel que soit le contenu: utiles feux et contre-feux, tels des feux de poubelles allumés pour aller voir ce qui se passe à la fenêtre.

Il gobe les «informations» déformantes comme il gobe sa nourriture, il réagit comme un animal aux stimuli qu’on lui envoie…d’écrans en écrans, de voiles en voiles…Ame congelée qui mange des surgelés…

Thierry de Crozals

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Pour aller plus loin : 
Sucre, la vérité amère


vendredi 1 janvier 2021

L'Erreur de la Réincarnation - Dr Hamza Benaïssa




La réincarnation est la possibilité théorique qu’aurait toute personne de se réincorporer dans le monde qu’elle vient de quitter par le processus de la mort (1). Il s’agit là de l’un des mythes modernes qui, à l’instar des mythes du progrès et de l’évolution, meublent le sens existentiel du commun des hommes qui ne gardent aucune attache, sinon nominale, avec les religions régulières. L’idée elle-même, qui n’a donc, aucun lien avec le fond des révélations célestes, est née dans l’univers mental des socialistes européens de la première moitié du XIXe siècle. Il en résulte que sa filiation à un courant de pensée pratiquant, par vocation, le militantisme anti-religieux, la rend très suspecte.

Dans la mentalité de ses promoteurs, la théorie de la réincarnation est destinée à résoudre la question de « l’inégalité sociale » qui les préoccupe tant. Dès lors, la réincarnation est conçue comme la modalité opératoire itérative, à la disposition de toute personne, afin que celle-ci puisse combler son retard dans l’évolution supposée et atteindre, à la limite, la parité visée par l’idéal socialiste. Sans la réincarnation, disent ses défenseurs, comme Blanqui, Léon Daudet, etc. « le monde serait régi par l’injustice et l’iniquité ». Ce mythe moderne né des rêveries socialistes du XIXe siècle, va être d’abord récupéré par le spiritisme français avec Allan Kardec, avant de passer dans le théosophisme de Mme Blavatsky, l’occultisme de Papus et dans la philosophie néo-spiritualiste.


Plus récemment, le réincarnationnisme a trouvé un écho dans le milieu des physiciens (2). Ce sont tous ces courants, à vocation satanique, consciente ou inconsciente, qui vont embellir la théorie avec des scénarios plus ou moins fantastiques, et contribuer ainsi à sa démocratisation. Dans tous les cas, la marque moderne du mythe réincarnationniste, réside dans le fait qu’il n’est conçu, en quelque sorte, que dans les limites physiques du système solaire ou des galaxies environnantes.
De nos jours, outre les organisations suspectes constellées par le monde moderne, que nous venons de mentionner et auxquelles il faut ajouter la secte de la soi-disant « méditation transcendantale », l’idée de la réincarnation est, malheureusement, en train de s’infiltrer dans les organisations initiatiques régulières, mais visiblement, en cours de dégénérescence. Ici, nous n’avons pas en vue les traces résiduelles et séquellaires qu’une personne peut conserver des milieux suspects qu’elle a fréquentés avant de rejoindre une organisation régulière. Car la décontamination s’opère, alors, d’elle-même par le changement salvateur, de milieu. Nous avons en vue, plutôt, la situation où la fausse idée de la réincarnation, reçoit l’aval au sommet d’une organisation initiatique régulière (3).

Ce qui est beaucoup plus grave sous le rapport des conséquences possibles sur l’organisation elle-même et sur ses membres.


Ceci, dit, examinons d’abord, la cohérence de la théorie pour voir si la réincarnation conçue pour dépasser « l’inégalité sociale », est une vraie ou une fausse idée. Si le nombre de réincarnations supposées varie d’un individu à un autre, c’est que l’inégalité se trouve inscrite dès le départ et échappe, de ce fait, à la volonté des personnes concernées.
Dès lors, on ne voit pas comment la réincarnation itérative va résoudre cet écart, sans oublier qu’au lieu de déboucher sur une promotion, elle peut aboutir, aussi, à une déchéance. Si, au contraire, le point de départ est commun à tous les hommes, la théorie n’explique pas, comment l’inégalité surgit entre les individus, au fur et à mesure des réincarnations. Autant reconnaître que le problème de « l’inégalité sociale » demeure entier, et que la réincarnation supposée, ne le résout point. Or, chaque fois qu’une perspective philosophique débouche sur une impasse, c’est que le problème qu’elle s’est proposée de résoudre, est, d’emblée, mal posé.
En effet, comme dans le cas de la soi-disant « communication avec l’esprit des morts » (4), au lieu de s’interroger sur la véracité ou la fausseté de la réincarnation, ceux qui la revendiquent s’entêtent à s’interroger, si elle est consolante ou non. Donc, au lieu d’envisager la question en termes intellectuels, elle est envisagée, ici, en termes sentimentaux. Par conséquent, ce n’est qu’en se débarrassant du sentimentalisme que l’on peut, logiquement, espérer résoudre les contradictions portées par la théorie et surmonter le problème posé, implicitement, du sens de l’existence.


En effet, la possibilité de repasser une deuxième fois par un même point, n’est concevable que dans les systèmes clos et conventionnels des philosophes et des physiciens modernes.

Quoi qu’il en soit, il faut savoir que l’existence, dans toute son universalité, exprime l’intégralité des possibilités de manifestation de l’ordre divin (Amrullah) et dont notre monde n’est qu’une simple participation. En outre, comme l’ordre divin a pour corollaire l’Infini, c’est-à-dire la possibilité totale, au sens absolu d’absence de limitation, il exclut toute répétition, et de là, toute possibilité, pour un être donné, de passer deux fois par le même état d’existence (5). En effet, la possibilité de repasser une deuxième fois par un même point, n’est concevable que dans les systèmes clos et conventionnels des philosophes et des physiciens modernes.

À partir de l’impossibilité de repasser une deuxième fois par le même état, l’inégalité entre les êtres ressortit moins à une « injustice » qu’à leur différence, c’est-à-dire au fait que chacun d’eux exprime, dans l’existence universelle, un ensemble de possibilités qui lui sont propres et qui n’appartiennent à aucun autre être. C’est la singularité (Wadjh-Khass) qu’a l’ordre divin de différencier de façon unique, chacune des possibilités qu’il contient. À titre de conséquence, la véritable justice, c’est-à-dire l’équilibre et l’harmonie, est fondée sur la place adéquate et unique, revenant à chaque être dans l’existence universelle. C’est pourquoi poser le problème de l’inégalité, en termes sentimentaux, équivaut à poser la question absurde du pourquoi un être est en conformité à sa nature même. Le corollaire est que c’est l’égalitarisme visé par les socialistes qui est une injustice, car il revient à prétendre rendre un être autre que lui-même par le simple fait de lui ajouter ou lui ôter des biens matériels.


Venons-en, maintenant, à l’argument évolutionniste avancé dans les milieux « néo-spiritualistes » (6) pour faire valoir la thèse de la réincarnation. Il est affirmé, dans cet ordre d’idée, qu’avant de se hisser à un niveau supérieur, tout être doit passer par toutes les formes corporelles, végétatives et animales qui l’ont précédé dans l’enchaînement évolutif supposé. Cette assertion, en ce qui concerne l’homme, repose, apparemment sur la constatation qu’à l’état embryonnaire, le développement de l’être humain semble reproduire tous les échelons inférieurs qui l’ont précédé, dans la durée du règne animal. Cette constatation peut être, d’ailleurs, étendue au stade cellulaire, voire à la composition minérale de l’embryon. D’abord, comme la possibilité divine est en soi infinie, elle exclut toute récurrence par un même état, et, à fortiori, elle exclut la possibilité de reparcourir les règnes.

Car les possibilités réalisées par les espèces d’un règne et par tous les règnes, sont réalisées une fois pour toutes. Ensuite, ici, la logique du processus évolutionniste supposé, le rend analytiquement inépuisable, pour l’être qui en est concerné. Ce qui rend, du même coup, illusoire la possibilité de parvenir un jour, à la parité visée. Mais pour se convaincre de l’absurdité de la réincarnation, il suffit de montrer l’absurdité de la théorie évolutionniste, elle-même, qu’on invoque en sa faveur, et qui postule le passage linéaire et régulier d’un règne à un autre et d’une espèce à une autre. En effet, l’évolutionnisme, ou le transformisme philosophique, qui représente une étape avancée de la dégradation intellectuelle impulsée par le dualisme cartésien, enferme l’Être et ses états dans la durée qui n’en est que l’une des modalités de sa manifestation et de sa compréhension secondaire.

C’est pourquoi, la théorie évolutionniste offre une logique qui organise les éléments, exclusivement en termes de succession temporelle. Cette logique est confortée par l’étude des strates géologiques et paléontologiques, où se déploie l’enchaînement des règnes minéral, végétal, animal et leurs subdivisions. D’où les constructions interprétatives habituelles des spécialistes dont les plus spectaculaires font dériver la réalité humaine des réalités simiennes comme l’australopithèque, parce que simplement, dans la perspective temporelle, le singe a précédé l’homme. Toutefois, il y a également, sous le rapport de la stricte recherche, des données contredisant la théorie évolutionniste qui, rappelons-le, est, avant tout, une construction philosophique, arrangeant et forçant les données scientifiques proprement dites (7).

De fait, le temps supposé linéaire par la théorie, s’avère, en réalité, progressivement accéléré, comme le suggèrent les strates géologiques, de moins en moins épaisses à mesure qu’on passe de la profondeur à la superficie de la croûte terrestre. En outre, l’évolution, au sens de développement des règnes et des espèces, n’est pas continue, mais discontinue (8), comme l’illustre le passage brutal et cataclysmique d’un règne à un autre, et dont les modernes tentent de combler l’hiatus en faisant appel au perpétuel maillon manquant. De plus, il y a la dérive génique qui maintient les espèces stables, à travers l’écoulement du temps, et faisant, par exemple, que les bactéries qui mutent depuis des « milliards d’années » demeurent toujours des bactéries, en dépit de durées astronomiques et de la poussée du nombre, considérées par la théorie, comme étant des facteurs par excellence de l’évolution supposée.

À toutes ces données, il faut ajouter la probabilité statistique quasi-nulle de la mutation supposée de la structure anatomique et fonctionnelle rudimentaire du singe à celle très complexe de l’homme, en un laps de temps record et à partir de populations simiennes limitées (9). Est-ce que ce sont toutes ces objections de fait qui ont amené, récemment, les paléoanthropologues à modifier leur schéma interprétatif habituel où la succession linéaire supposée s’étend du lémurien à l’homme en passant par le singe ? En tout cas, le nouveau schéma interprétatif proposé, met en exergue l’hypothèse d’une réalité originelle à découvrir d’où auraient divergé les espèces. Ce qui est en soi, pertinent, sans que nous puissions affirmer, pour autant, que les évolutionnistes s’apprêtent à faire amende honorable, car leur destin semble les confiner à la prise de conscience confuse, sans renoncer à leurs préjugés philosophiques (10).


En effet, c’est à partir du centre, symbole traditionnel du principe ontologique intemporel que le monde se manifeste et s’organise par irradiation tous azimuts, instantanée.

Quoi qu’il en soit, en reprenant l’hypothèse pertinente d’une réalité originelle d’où dériveraient toutes les espèces terrestres, nous pouvons l’extrapoler à l’ensemble de notre monde, dans toute l’extension que nous pouvons lui donner au triple plan physique, psychologique et spirituel. Dès lors, il est facile de comprendre que cette réalité intégrale retenue, contient potentiellement tous les développements que la perspective temporelle ou la durée, nous fait découvrir en termes d’étapes dans la genèse de notre univers ou en termes de succession des règnes et des espèces sur la terre. Du même coup, la notion de causalité efficiente et empirique qui fait succéder l’effet à la cause, apparaît dans toute sa relativité, au bénéfice d’une causalité intemporelle régie par la simultanéité de la cause et de l’effet. Il en résulte que si la durée qui organise successivement les événements est pertinente, car elle répond à la modalité de perception du réel du sujet inscrit dans l’écoulement du temps, elle s’efface et passe au second plan, devant la conception métaphysique qui organise l’Être et ses états en termes de simultanéité ou de permanente actualité (11).
D’ailleurs, ici, le fait de parler des états multiples de l’Être, suffit à rendre caduque la continuité évolutionniste supposée, et confère tout leur poids aux données la contredisant et auxquelles nous avons fait allusion, plus haut. Et si nous devons symboliser la perspective métaphysique de la simultanéité, c’est la notion de centre géométrique de référence qui le traduit le mieux. En effet, c’est à partir du centre, symbole traditionnel du principe ontologique intemporel que le monde se manifeste et s’organise par irradiation tous azimuts, instantanée. Ce centre de référence symbolique renvoie, dans la tradition islamique, à la notion coranique de Ratqan (12) ou unité synthétique des « cieux et de la terre » avant leur différenciation.

Quant à l’irradiation tous azimuts, pour signifier l’instantanéité et la simultanéité des états de l’Être (Amrullah), elle est rendue par deux autres notions coraniques : Lamhun-bil-baçar ou Lamhul-Baçar (13) (clin d’œil) et l’injonction divine du Koun (14) (FIAT LUX). Dans l’expression de Lamhul-Baçar ou « clin d’œil » ressort très bien la simultanéité des états de l’Être, à travers la fulgurance du regard saisissant instantanément le champ spatial et son contenu. De son côté, l’injonction divine existenciatrice du Koun (SOIS !), est souvent mise en rapport avec « la lumière seigneuriale » (15) (Nour-Rabbânî). Ici, l’instantanéité du processus de la création, est symbolisée par la propriété qu’a la lumière de diffuser simultanément dans toutes les directions de l’espace et de le réaliser de la sorte, en révélant et en distinguant les objets qu’il contient. Ici, par conséquent, il n’y a de place ni au transformisme philosophique, ni au réincarnationisme. De même, la durée à laquelle correspond, géométriquement le cercle, pour réelle qu’elle soit, ne répond qu’au point de vue cyclique et forcément secondaire.

Si nous appliquons maintenant à l’être humain, qui nous intéresse ici, la notion métaphysique de l’instantanéité, elle y est reflétée par la donnée fugitive du présent (16). Sous ce dernier rapport, nous dirons que l’homme ayant une dimension corporelle soumise à la durée, est en même temps ou simultanément, autre chose par ses dimensions psychologique et spirituelle. En outre, de par son statut axial de « vicaire de Dieu sur terre », il est non seulement la synthèse des règnes, minéral, végétal et animal, mais également la synthèse de l’intégralité de son monde et de tous les mondes créés par Dieu, car il a été forgé par « les deux mains » divines (17). Et d’une certaine façon, car il y a d’autres points de vue sous lesquels on peut l’envisager, la valeur sémiologique de cette récapitulation des règnes qu’objective le développement embryonnaire humain, n’est que le reflet corporel, dans la durée (18), de cette instantanéité causale dont l’homme est porteur dans le principe. La récapitulation ne signifie nullement, par conséquent, un quelconque enchaînement de réincarnations, pas plus qu’elle ne signifie que l’homme descendrait du singe (19).

Les absurdités sur lesquelles repose le réincarnationnisme étant relevées, il nous faut reprendre les données traditionnelles dont l’incompréhension et la falsification intentionnelle ont contribué à lui donner un semblant de légitimité. Il y a d’abord les données évangéliques sur la transfiguration dont Papus donne une interprétation falsifiée pour prétendre que dans l’Évangile selon St Mathieu, St Jean le Baptiste serait bien la réincarnation du prophète Élie (20). Or, il y a d’autres données dans les Évangiles de St Jean et St Luc où le Prophète St Jean le Baptiste répond explicitement à l’interrogation sur son identité, qu’il n’est pas Élie (21). Ce qui montre que les Évangiles ne véhiculent pas l’assertion réincarnationniste.

Il faut ajouter à tout cela, une autre donnée scripturaire biblique, selon laquelle Élie avait été enlevé Vivant au ciel (22). Dès lors, comment quelqu’un qui n’est pas mort peut-il être réincarné ? Les autres données traditionnelles dont le sens est incompris ou falsifié, correspondent à la Métempsychose et la Transmigration des Orphiques et des Pythagoriciens. Il s’agit de deux notions rapportées, sous des expressions différentes, par toutes les Traditions régulières. Elles se rapportent respectivement à l’héritage psychologique et spirituel que lègue le mort à sa postérité et au destin posthume du mort proprement dit.
Dans la métempsychose, l’idée de transmission obéit strictement aux lois de l’hérédité et de l’affinité (23) . Nous voulons dire que les lois qui jouent dans l’hérédité des caractères physiques, jouent également dans la transmission des caractères psychologiques. Cette transmission psychologique s’opère à la fois, du vivant des parents, à travers les actes de toutes sortes qu’ils apprennent à leur progéniture, leur vie durant, et après leur mort, c’est-à-dire après la dissociation du composé définissant l’état humain.
Or, parmi les éléments que le défunt restitue à l’ambiance cosmique à laquelle il les a empruntés et qu’il marque, en retour, de son empreinte, figurent, outre les forces subtiles liées à sa corporalité (24), sa mémoire individuelle et collective ou puissance ancestrale. C’est celle-ci qui va se greffer dans la descendance selon les lois de l’hérédité et de l’affinité. Cette perpétuation de l’ancestralité dans la succession des générations, illustre un des deux aspects de la Longévité dont parle la Tradition Taoïste. Son second aspect correspond à l’héritage spirituel qui se transmet d’âge en âge selon les lois de l’affinité, et dont l’enchaînement prophétique, en vertu de qualités particulières, n’appartient qu’à l’Élite, et qui pérennise, de la sorte, les valeurs spirituelles. 



Cet héritage spirituel est illustré par les sept Chirajîvis (25) de la Tradition hindoue, la succession des Tulkous dans le lamaisme et l’enchaînement prophétique qui, dans les Traditions abrahamiques et l’Islam en particulier, pérennise la transmission spirituelle de Seyidna Adam à Seyidna Mohammad en passant par Seyidna Nouh, Seyidna Ibrahim, Seyidna Moussa (27) et Seyidna Aïssa, sans oublier le rôle de leurs héritiers. Ici, les sujets successifs de la prophétie législatrice (Noubouet-Techri’) et de la prophétie générale (Nouboua ‘Amma) ne sont point la réincarnation des précédents par les suivants, mais les maillons d’un processus intemporel, car de nature spirituelle, dont les dimensions psychologique et corporelle n’interviennent qu’à titre circonstanciel de supports nécessaires et suffisants à la manifestation et l’entretien de la transcendance dans notre monde (28). Ceci dit, insistons que toutes les modifications psychologiques et spirituelles impliquées dans l’héritage, ne concernent point l’être réel de celui qui en aura été le support circonstanciel auparavant. Ce qui exclut toute idée de réincarnation.



Quant aux phénomènes alléguant une soi-disant réincarnation de tel ou tel personnage historique dans les séances spirites, théosophistes ou occultistes, il s’agit en général, soit de l’extériorisation d’un simple fait d’imagination ou d’un souvenir de lecture, contenu dans la mémoire latente d’un des participants à l’expérience ; soit il s’agit du produit de la suggestion. Si le cas ne répond à aucune de ces éventualités, il s’agit alors d’un conglomérat psychique résiduel stable et errant, auquel l’assistance, centrée sur le médium, a prêté, temporairement son moi psychologique, avec tous les risques de détraquement mental d’ailleurs. (29)


Passons maintenant à la transmigration qui concerne le destin posthume de l’être réel de celui qui vient de mourir. L’allusion à ce destin posthume figure dans la mémoire collective populaire là où la Tradition a dégénéré ou s’est éteinte (30). Par contre, il est évoqué de façon explicite dans toutes les Traditions régulières et vivantes comme le taoïsme, l’hindouisme, le bouddhisme et les Traditions abrahamiques. Ce destin concerne la partie transcendante et indestructible de l’être humain, et qui, une fois la mort consommée, migre vers le monde intermédiaire (El-Barzakh), nantie de la somme algébrique de toutes les actions assumées en toute responsabilité au cours de son séjour terrestre. La Tradition islamique fixe trois étapes au voyage d’outre tombe (31). Il y a d’abord le petit redressement (El qimâmatou Soughra) appelé ainsi, car l’être humain concerné est isolé de tous les appuis corporels, familiaux et sociaux dont il bénéficiait sa vie terrestre durant. Vient ensuite une seconde phase (El qimâmatoul Woustâ) où le défunt seul, est confronté à la personnification gratifiante ou douloureuse de tous les actes qu’il a assumés en connaissance de cause, avant de mourir. On devine là, les notions de satisfaction ou de tourment du tombeau dont parle le Prophète Mohammad.

Ce stade est une préfiguration du statut final du défunt le jour du jugement dernier (El qimâmatoul Koubrâ). À partir de ces données, deux possibilités s’offrent au commun des mortels : soit l’état de perfection humaine, soit l’état de damnation. Quand l’état de perfection est réalisé à terme ou après rachat (Echafa’a), son sujet, en fonction du degré d’intégration spirituelle atteint, est libéré de toutes les entraves terrestres et entre en possession de la plénitude des possibilités humaines. C’est l’état paradisiaque proprement dit (Djannatoul Af’âl) (32). À un degré supérieur d’intégration spirituelle, le sujet amorce son ascension dans les états supérieurs (Djannatoul Ma’ârif) (33). Dans ces deux possibilités, il est question de perpétuités temporelles indéfinies ou à terme, pendant lesquelles les sujets sont maintenus dans l’état primordial ou dans des états supérieurs, au-delà de l’écoulement des cycles (34).

Ce qui équivaut à leur exclusion de toute transmigration cyclique, en attendant la réalisation de l’identité suprême pour nombre d’entre eux. Quand il s’agit d’un sujet qui appartient à l’élite intellectuelle en raison de son statut d’Envoyé, de PROPHÈTE et de SAINT, il est exclu de toute perpétuité temporelle et à fortiori de toute transmigration. Cet état sort du sujet de cette étude. En revanche quand il s’agit de sujets humains qui ne sont susceptibles d’aucun rachat à terme, en raison de leur rupture totale avec la LOI et de l’enracinement de tendances animales dans leur être, ils perdent leur dignité d’être humain, pour revêtir un statut inférieur, que nous pouvons représenter, analogiquement, comme étant semblable à des animaux de notre monde comme les singes et les porcs (35). Ici la transmigration est de règle.

Les sujets qu’elle concerne, passeront ainsi d’un état à un autre en fonction de perpétuités variables, c’est-à-dire indéfinie ou à terme (36). Voilà de façon très succincte, les possibilités posthumes de l’être humain. Toutefois, la transmigration peut être aussi envisagée rétrospectivement. Car de même qu’on parle d’état posthume, à la mort ordinaire, on peut parler aussi d’état pré-humain, pour évoquer, analogiquement, l’état qui a précédé la naissance à l’état humain. Ici l’allusion à la transmigration correspond aux cycles qui ont précédé celui de la présente humanité, comme les Manvantaras dont parle la Tradition hindoue (37) et les 6 jours dont parlent la Bible et le Coran (38).  Ici les notions de Manvantara et de Jours illustrent en termes symboliques et cyclologiques, les manifestations successives, différentes et jamais identiques, de l’ordre divin (Amrullah) c’est-à-dire des états de l’Être. C’est pourquoi dans les cyclologies traditionnelles, il n’est nulle part question de réincarnation. Car dans toutes les situations envisagées, il s’agit toujours d’un passage à la limite d’un monde à un autre, et nullement de la récurrence absurde dans un même monde.


Notes :


1 – V. René Guénon – L’erreur spirite, 2e partie, chap. VI – La réincarnation, p. 197. Éd. Traditionnelles Paris 1977. Toutes les données doctrinales que nous reprenons dans cet article, sont tirées de ce chapitre.

2 – Frank Hatem – Comprendre la physique quantique. Académie de la Rozeille – Presles-en-Brie – France, où l’auteur se propose de surmonter la limite de la physique quantique en faisant appel à « l’hyperscience » et où il est question allusivement de la réincarnation comme soi-disant « certitude scientifique ».

3 – Khaled Bentounes avec la collaboration de Bruno et Romana Solt – Le soufisme au cœur de l’Islam – préface Père Christian Delorme. Pocket – Paris 1999.


À la page 208, l’allusion à la réincarnation est associée à une paraphrasie de l’aphorisme de Lavoisier : « Rien se perd, rien ne se gagne, tout se transforme ». Quelques phrases plus loin, le contraire de la réincarnation est suggéré par cette phrase : « L’esprit habite le corps et le jour où celui-ci ne remplit plus sa fonction, il le quitte et retourne à son origine». Mais l’ambiguïté ne s’arrête pas là puisqu’à la page 51 et 52, il est dit que le soufisme aurait une origine soi-disant « indo-européenne » et qu’à la page 4 de la couverture il est écrit que le soufisme serait une sorte de syncrétisme d’influences « chrétiennes hindoues et zoroastriennes ». Ce qui n’est pas du tout sérieux pour un ouvrage qui est censé informer sur le soufisme.

4 – Il s’agit là de la prétention des spirites, des théosophistes et des occultistes.

5 – Rappelons ici l’adage soufi disant « qu’il n’y a pas de répétition dans l’existence » (Lâ tikrâra fil-woudjoûd). Rappelons aussi l’aphorisme légué par Héraclite, et qui appartient à la tradition hellène : « On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve existentiel ».

6 – Le terme « néo-spiritualisme » a été utilisé par R. Guénon pour désigner l’œuvre de sujets de la philosophie, comme W. James ou Bergson, à prétention spirituelle, alors qu’elle exprime en réalité, du satanisme inconscient. William James par exemple, situe dans les bas fonds du subconscient la voie royale vers la Religion. Bergson assimile abusivement l’infrarationalisme et la fuite en avant dans un devenir débridé aux soi-disant « deux sources de la morale et de la Religion ». , ….

7 – Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale des courants principaux de la pensée modeene. Le mythe d’une vérité scientifique indépassable étant admis, il suffit à tout courant de pensée de se réclamer de la vérité scientifique pour faire passer frauduleusement des postulats philosophiques discutables pour des vérités établies. C’est le cas de K. Marx pour son « socialisme scientifique » ; c’est aussi le cas de S. Freud pour de théorie psychanalytique.

8 – V. P.P. Grasse – Essai sur l’histoire naturelle de l’homme – p. 136. L’auteur fait allusion à la dérive génique qui stabilise les espèces dans le temps. Éd. Albin Michel 1971.


9 – V. P.P. GRASSE – Essai op. cit. p. 122, 137,138, 139 et 140, où l’auteur réfute l’affiliation directe de l’homme aux pongidés, où il montre la relativité du nombre et du temps considérés par la théorie évolutionniste comme les vecteurs types de l’évolution, et où il fait allusion à la probabilité statistique quasi-nulle du passage supposé de l’australopithèque à l’homme.

10 – Catherine Vincent – Le mythe du chaînon manquant a fait son temps. – Mais où est donc passé le propre de l’homme ? In Le Monde du 10/11/2001, p. 25.

11 – Cf. René Guénon – Les états multiples de l’Être – Dans ce livre l’auteur expose les données fondamentales de la conception métaphysique véhiculée par tous les Messages célestes, au sujet du réel.

12 – CORAN XXI : 30.

13 –  CORAN LIV : 50 ; CORAN XVI : 77.

14 – CORAN II : 47 ; CORAN XXXVI : 82.

15 – CORAN XXXIX : 69.

16 – Le présent au sens psychologique et physique humain, n’est que le reflet de l’Éternité, au sens de Présent absolu contenant le triple temps : le passé, le présent et l’avenir.

17 -CORAN XXXVIII : 75.

18 – La durée en tant que détermination qualitative du temps, n’est pas saisissable directement dans notre monde, mais indirectement par les modifications qu’elle imprime dans l’espace physique et corporel.

19 – II s’agit là d’une proposition pertinente car la dérivée que constitue le singe; ne peut contenir l’intégrale relative qu’est l’homme.

20 – St Mathieu XVII : 9 – 15.

21 – St Jean 1:21 ; St LUC 1 :17.

22 – Bible II- Rois II : 11.

23 – La loi de l’affinité voudrait que dans la descendance d’une famille, c’est tel individu-et non tel autre qui sera le' » support de tel ou tel caractère hérité. La loi de l’affinité peut même jouer entre deux familles différentes, voire entre deux races différentes. Ici, le caractère psychologique concerné par la transmission, est inclus dans toutes les modifications de l’être d’un individu qui n’appartient ni à la famille, ni à la race de celui qui l’aura légué à sa mort.

24 – Nous voulons parler des forces subtiles liées à l’AIR, le FEU, la TERRE et l’EAU dont est composé le corps humain.

25 – Cf. René Guénon – L’homme et son devenir selon le Védanta – Éd. Trad. Paris. L’affinité, ici, explique la différence des formes traditionnelles, destinée à répondre aux différentes typologies anthropologiques.

26 – Cf. René Guénon – Comptes rendus – p. 208. In Études sur l’Hindouisme. Éd. Trad. Paris 1976. – V. S.S. Le quatorzième Dalaï Lama. Au loin la liberté – p. 302, 303 – Fayard – Livre de poche. 1990. Dans le dernier livre cité, le Dalaï Lama actuel semble entériner l’idée de « réincarnation », où ce terme est censé rendre la signification du terme tibétain Tulkou ou support humain de l’héritage spirituel correspondant. Si cette assimilation abusive résulte d’une faute de traduction, il est étonnant que le Dalaï Lama n’ait pas réagi, d’autafit plus que dans un autre livre (Terre des Dieux, malheur des hommes – Éd. J.C. Lattès – 1995. p. 125), il dit bien qu’il n’y a pas de répétition dans l’existence. Si au contraire, cette assimilation abusive est assumée par lui, cela veut dire que sa conscience spirituelle est en deçà du niveau de sa mission cosmique. Ce n’est alors qu’un Dalaï Lama nominal, un support passif de l’influence spirituelle.

27 – CORAN II : 33.

28 – C’est pourquoi, le statut des ENVOYÉS, PROPHÈTES et SAINTS diffère de celui du commun des mortels ici-bas et dans l’au-delà. C’est en rapport avec ce statut privilégié que leur fonction d’intercesseur est légitimée.

29 – V. notre étude – À propos des influences subtiles.

30 – Nous pensons là aux traditions, berbère, celtique, gréco-latine etc.

31 – Tafsir Ibn ‘Arabi – M.I.-II Dar-Sâdir Beyrout.

32 – On l’appelle aussi le paradis des délices (Djanatoul Ladhdhât). C’est la plénitude de l’état humain restauré par les actes de son sujet.

33 – On l’appelle aussi le paradis des qualités (Djanatoul Sifât). Il correspond aux états supérieurs ou angéliques débordant vers le haut, l’état proprement humain.

34 – Nous voulons parler ici de tous les types de perpétuité évoqués dans le Coran.

35 – CORAN II : 65 ; CORAN V : 60. Le destin simien et porcin doit être entendu au sens analogique, c’est-à-dire que l’être concerné par le retour à la manifestation cyclique va revêtir une forme correspondant dans notre monde au singe où au porc. C’est dans ce sens qu’abonde Ibn ‘Arabi dans son Tafsir M. I. P. 42 après avoir évoqué les versets coraniques et les hadiths prophétiques sur la transmigration. Dans le Coran, différentes perpétuités (El-Khouloud) sont évoquées.

37 – Cf. René Guénon – Formes traditionnelles et cycliques – Quelques remarques sur la doctrine de cycles cosmiques, p. 13. Éd. Gallimard. 1978.

38 – Bible – La Genèse – I.

CORAN VII : 54 ; X : 3 ; XI : 7 etc.

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