jeudi 7 janvier 2021

Le vrai remède à la souffrance du monde - Frithjof Schuon

 Selon la conviction unanime de l'ancienne Chrétienté et de toutes les autres humanités traditionnelles, la cause de la souffrance dans le monde est la déchéance de l’homme et non un simple manque de science et d'organisation. Nul progrès ni nulle tyrannie ne viendra jamais à bout de la souffrance; seule la sainteté de tous y parviendrait dans une certaine mesure, s'il était possible en fait de la réaliser et de transformer ainsi le monde en une communauté de contemplatifs et en un nouveau Paradis terrestre.

Ce n'est pas à dire, assurément, que l'homme ne doive pas, conformément à sa nature et au simple bon sens, chercher à vaincre les maux qui se présentent dans sa vie; pour cela, il n’a besoin d’aucune injonction divine ni humaine. Mais chercher à établir dans un pays un relatif bien-être en vue de Dieu est une chose, et chercher à réaliser le bonheur parfait sur terre et en dehors de Dieu en est une autre ; ce second but est voué d'avance à l'échec, précisément parce que l’élimination durable de nos misères est fonction de notre conformité à la Nature divine, ou à notre fixation dans le « royaume de Dieu qui est au-dedans de vous ».

Tant que les hommes n'auront pas réalisé l’ « intériorité » sanctifiante, l'abolition des épreuves terrestres est non seulement impossible, elle n'est même pas désirable; car le pécheur — l’homme « extériorisé » — a besoin de souffrance pour expier ses fautes et pour s’arracher au péché, ou pour échapper à « l’ extériorité » dont le péché dérive.
Au point de vue spirituel, qui seul tient compte de la vraie cause de nos calamités, le mal est, non par définition ce qui fait souffrir, mais ce qui, même avec un maximum de confort ou d’agrément, ou de « justice » si l’on veut, frustre un maximum d’âmes de leurs fins dernières. Tout le problème se réduit en somme au nucléus de questions suivant : à quoi bon éliminer des effets si la cause demeure et continue à produire indéfiniment des effets semblables ?

Et à plus forte raison : à quoi bon éliminer les effets du mal au détriment de l'élimination de la cause même ; et enfin, à quoi bon les éliminer en remplaçant la cause par une autre encore bien plus pernicieuse, à savoir la haine du Souverain Bien et la passion des choses impermanentes ? En un mot : si l'on combat les calamités de ce monde en dehors de la vérité totale et du bien ultime, on créera des calamités incomparablement plus grandes, à commencer, précisément, par la négation de cette vérité et la confiscation de ce bien ; ceux qui entendent libérer l'homme d'une « frustration » séculaire sont en fait ceux qui lui imposent la plus radicale et la plus irréparable des frustrations.
 

Les fruits de l'utopie communiste


Certes, il est dans la nature de l’homme de chercher à améliorer le monde, mais il faut le faire d'une façon pleinement humaine et par conséquent divine. « Qui n'assemble pas avec Moi, disperse » : cette parole, comme bien d'autres, semble être devenue lettre morte et pourtant : « L'Eglise doit scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Evangile », nous apprend une encyclique. En attendant, c’est mathématiquement l'inverse qui se fait. 

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Comprendre la religion, c'est l'accepter sans lui poser des conditions désinvoltes ; lui poser des conditions, c'est évidemment ne pas la comprendre et la rendre subjectivement inefficace ; l’absence de marchandage fait partie de l'intégrité de la foi. Poser des conditions, — que ce soit sur le plan du « bien-être » individuel ou social ou sur celui de la liturgie que l’on voudrait aussi plate et triviale que possible, — c’est ignorer fondamentalement ce qu'est la religion, ce qu’est Dieu et ce qu'est l’homme; c’est réduire d’emblée la religion à un arrière plan neutre et inopérant qu’elle ne saurait être en aucune façon, et c’est lui enlever d’avance tous ses droits et toute sa raison d’être.
L'humanitarisme profane, avec lequel la religion officielle entend se confondre de plus en plus, est incompatible avec la vérité totale et par conséquent aussi avec la véritable charité, pour ia simple raison que le bien-être matériel de l’homme terrestre n’est pas tout le bien-être et ne coïncide pas, en fait, avec l'intérêt global de la personne humaine immortelle. 

« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît » 
Matthieu (6, 33)

Source : Esotérisme comme principe et comme voie - Frithjof Schuon

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