Au premier abord, il pourrait sembler évident que si Dieu a créé toutes choses, alors il
a aussi créé le mal.
Cependant, le mal n’est pas une « chose » créée, comme l’est un
arbre ou la lumière. Le mal n’existe pas en lui-même : c’est l’absence de bien. Par
exemple, les trous existent réellement, mais seulement dans quelque chose d’autre.
On peut appeler l’absence de gruyère un trou, mais il sera inséparable de l’idée de
gruyère. Ainsi, il est vrai que tout ce que Dieu a créé était bon, notamment ses créatures libres de choisir le bien.
Pour que le choix soit réel, Dieu a dû permettre une alternative au bien, une absence de lumière, de bien… des « ténèbres » pour séparer ses
créatures de Lui-même, la lumière infinie.
*Dieu dit: " Que la lumière soit! " et la lumière fut.
Et Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière et les ténèbres*
(Genèse I, 3,4)
S'il ne fait pas directement le mal, Il «permet» donc, néanmoins, que certaines
créatures le fassent, en vertu de leur libre vouloir et à partir des «ténèbres» qu'Il a
actualisées ou «créées», pour séparer tout le reste du crée ou fini d'avec Sa Réalite
incréée et infinie ; et ceci, sans que ces ténèbres soient elles-mêmes le mal.
En effet, puisque Dieu permet le mal de par la libre volonté qu'Il a accordée aux
créatures en question, et qu'Il a produit les «ténèbres» par diminution et privation de
la «lumière» qui manifeste son Etre, on peut dire qu'Il a indirectement «crée» le mal,
donc sans le «faire» directement.
En créant, Il «fait le bien», parce qu'Il affirme ainsi son Etre et tout ce qui est, tout ce
qui participe et dépend de son Etre. Mais en créant, Il ne peut point ne pas créer en
même temps les limites du crée ou fini qui, d'une part séparent relativement ce
dernier de son Infinitude et qui, d'autre part, mettent un terme à la finitude même du
crée.
En d'autres termes :
Dieu est Toute-Bonté, et le monde en est l’image; mais comme l’image ne saurait,
par définition, être Ce qu’elle représente, le monde doit être limité par rapport à
la Bonté divine, d’où l’imperfection dans l’existence; les imperfections ne sont
pas autre chose, par conséquent, que des sortes de « fissures » dans l’image de la
Toute-Perfection divine, et de toute évidence elles ne proviennent pas de cette
Perfection, mais du caractère nécessairement relatif ou secondaire de l’image.
(Frithjof Schuon - L'Unité transcendante des religions)
Dire que le Mal n'est pas une substance, une réalité, dire qu'il est « un rien » n'est pas pour autant nier son existence. On a quelquefois tendance à considérer cette doctrine comme une échappatoire, une position trop facile, qui ferme les yeux sur l'objet dont il s'agit de rendre compte.
Un trou est, certes, une diminution ou une privation de quelque chose... Mais si l'on déni que le trou est pourtant bien là, on risque de tomber dedans et se tuer!
Il faut donc toujours avoir bien soin de mettre chaque chose à sa place
La porte des cieux
lundi 1 février 2021
Dieu et l'existence du mal - La Théodicée
mardi 26 janvier 2021
La nature de Dieu
La réponse est simple et connue de l’origine même de la religion : Toutes les images sensibles et anthropomorphes de la divinité ne sont que des symboles pour évoquer une réalité supérieure.
“Ainsi faut-il parler à votre esprit, qui s’instruit seulement par des signes sensibles de ce qu’il fait ensuite objet d’intelligence. C’est pour cela qu’à votre faculté condescend l’Écriture, en donnant pieds et mains à Dieu, tandis qu’elle entend autre chose ; et que la Sainte Église à vos yeux représente sous un aspect humain Michel et Gabriel” {Paradis, IV, 40-45)
Dieu est le principe de toute chose. On ne peut donc pas le définir par les conditions dont il est lui-même l'origine comme le temps ou l'espace. Les rapports entre Dieu et les hommes peut être comparé à une sphère (en 3D) traversant une surface plane – le monde humain
Nous, créatures en 2 dimensions, sommes incapables de concevoir une dimension qui nous dépasse. Ainsi la manifestation d'une sphère sur notre plan prendra la forme d'un rond. Ce « rond » correspond analogiquement l'homme, voilà pourquoi il est dit qu'il est fait « à l'image de Dieu », mais il ne faut pas confondre l'image et ce qu'elle exprime. Dieu peut donc se manifester sur le plan humain avec ses limitations (le Christ étant la manifestation parfaite de Dieu) mais Sa nature réelle reste insaisissable et c'est ce qui explique les ellipses, les contradictions apparentes et les sentiments parfois « trop humains » appliqués à Dieu malgré son omniscience et sa transcendance.
On pourrait donc conclure avec Gustave Thibon, parlant de l'anthropomorphisme divin :
« Dieu ne peut entrer dans l'homme qu'en se rapetissant, tant la porte est basse - et aussi en se déguisant, en se présentant sous des faux noms, tant sa vraie nature est incompréhensible et indésirable pour l'homme de chair et d'orgueil. Mais, une fois entré, il reprend sa vraie stature et son vrai nom, et il fait éclater nos limites et notre moi. Pour lui aussi, la fin justifie les moyens!
Ainsi s'explique, dans la pratique religieuse, la nécessité de ces réductions du divin à l'humain et de tant de demi-mensonges qui sont comme l'enrobement pharmaceutique des plus hautes vérités.
Moralité : ne jamais confondre Dieu avec ses voies d'accès.
Dieu, comme les hommes, a sa voie étroite : celle qu'il doit emprunter pour s'introduire en nous. Faisons-lui crédit : comme le grain qui lève dans un sol rocailleux et dont les racines et la tige épousent d'abord la forme des obstacles qu'ils rencontrent, il fera bientôt éclater en grandissant toute notre misérable nature, y compris les étroits chemins par lesquels il est entré. »
mercredi 20 janvier 2021
Aphorismes de Gustave Thibon - L'ignorance étoilée
***
Adorer
Dieu n'a aucun sens là où il n'y a pas d'amitié - c'est-à-dire
d'échanges intérieurs - avec Dieu : l'adoration n'est que
l'expression d'un appétit ou d'une crainte serviles : une idolâtrie.
Car le mot adorer n'implique pas a priori cette réciprocité qui est
le signe essentiel de l'amitié. Cet incomparable maître à penser
qu'est le langage courant ne s'y trompe pas : on dit couramment :
j'adore la langouste ou j'adore le bridge, m ais il ne viendra à
l'idée de personne d'affirmer (encore que le terme soit beaucoup
moins fort) j'ai de l'amitié pour le bridge ou pour la langouste.
***
Aux moralistes. Votre catalogue des péchés filtre le
moucheron et laisse passer le chameau. Vous avez inventé beaucoup de
péchés et vous en laissez subsister, que dis-je ? vous en cultivez
d'autres infiniment plus profonds et plus redoutables. Plus
précisément, vous dénoncez les péchés, mais non le péché - ce
mal substantiel, diffus et presque incurable qu'est le consentement à
la médiocrité et la religion du confort intérieur -, cette
suffisance de grenouille dans l'eau stérilisée ou dans l'eau bénite
- et qui se retrouve partout, y compris dans vos vertus qui sont des
paravents contre le souffle de l'esprit, et jusque dans vos repentirs
qui sont des purges ou des toniques pour votre petit moi soucieux de
sa petite santé.
***
Définition du vice : un péché
commis sans plaisir. Il faudrait étendre cette formule et distinguer
deux sortes ,de vices : les péchés commis sans plaisir et les
vertus pratiquées sans amour.
***
Dieu ne peut entrer dans
l'homme qu'en se rapetissant, tant la porte est basse - et aussi en
se déguisant, en se présentant sous des faux noms, tant sa vraie
nature est incompréhensible et indésirable pour l'homme de chair et
d'orgueil. Mais, une fois entré, il reprend sa vraie stature et son
vrai nom, et il fait éclater nos limites et notre moi. Pour lui
aussi, la fin justifie les moyens! Ainsi s'explique, dans la pratique
religieuse, la nécessité de ces réductions du divin à l'humain et
de tant de demi-mensonges qui sont comme l'enrobement pharmaceutique
des plus hautes vérités. Moralité : ne jamais confondre Dieu avec
ses voies d'accès.
Dieu, comme les hommes, a sa voie étroite :
celle qu'il doit emprunter pour s'introduire en nous. Faisons-lui
crédit : comme le grain qui lève dans un sol rocailleux et dont les
racines et la tige épousent d'abord la forme des obstacles qu'ils
rencontrent, il fera bientôt éclater en grandissant toute notre
misérable nature, y compris les étroits chemins par lesquels il est
entré.-
Les stoïques, en prêchant le non-désir et
l'indifférence, n'ont pas assez mis l'accent sur l'aspect positif du
dépouillement - et leur doctrine apparaît
par-là comme une apologie de l'insensibilité et du néant. En
réalité, ne rien désirer, c'est se réserver pour le seul objet
qui ne soit pas indigne de notre désir, c'est prendre de la distance
avec le monde des choses bornées et tyranniques, non pour les perdre
à jamais, mais pour les retrouver dans la pureté de leur source
(car la distance infinie appelle l'intimité absolue), c'est passer
de l'esclavage de l'attachement à la liberté de l'amour - en un
mot, c'est transformer les biens de la Fortune en biens de l'âme :
les choses viennent à moi comme des fiancées dans la mesure où je
cesse de les poursuivre comme des proies et mon royaume intérieur
s'accroît de tous mes refus de porter la main sur le monde
extérieur. Le renoncement à l'avoir a pour effet la transmutation
de l'avoir en être. Et c'est dans ce sens qu'il faut entendre le «
bienheureux les pauvres », le « malheur aux riches » et la
parabole du festin où les derniers seront les premiers. La passion,
sous toutes ses formes, reste radicalement étrangère à cette
dialectique du rien et du tout, de la solitude et de l'échange. Elle
colle à son objet, ce qui signifie qu'elle est tout aussi incapable
de s'en détacher que de le posséder du dedans, qu'elle exclut à la
fois la distance et l'intimité.
mercredi 13 janvier 2021
Actualité ou Actualités - Vieux Jade
Depuis l’avènement massif des media, depuis les almanachs de la Renaissance, les gazettes de la Révolution capitaliste, jusqu’aux niouz, l’humanité vit au rythme des actualités.
C’est quoi ?
Actualité, actualités, est-ce la même chose ?
C’est quoi pour vous, l’actualité, quand vous ouvrez l’œil, le matin ? C’est l’interaction entre vous, ce mainstream plus ou moins permanent et le monde soudain ressurgi. Entre un monde intérieur et personnel qui se referme provisoirement et un autre qui vous attend de pied ferme.
L’actualité, c’est ouille j’ai bobo là, un éclair de joie qui rebondit sur le soleil du matin, le café qui passe et glougloute, les nuages noirs, la pluie sans fin, la vie sans faim, les oiseaux qui ne cachent rien, dans un langage fermé aux hommes.
Plus tard, c’est la circulation, les événements qui happent, les gens qui gueulent, la course incessante jusqu’au poteau FIN, retour à la couveuse de la nuit.
C’est actuel, c’est ici, c’est présent, ça vous touche de près. Aux questions posées, vous pouvez apporter des réponses variées, plus ou moins satisfaisantes, plus ou moins opportunes, plus ou moins adaptées, mais qui sont vos réponses propres.
Un modelage, une lutte, une danse, amour et sueur.
Lorsque vous êtes plus ou moins sorti des réactions purement mécaniques qui vous agitaient en tous sens, vraie girouette, vous pouvez, en vous changeant, en huilant les axes, améliorer, perfectionner le mouvement, le fluidifier, lui donner plus de grâce et de légèreté, selon que vous-même vous serez philosophalement transmuté.
En dernier ressort, l’actualité, c’est la présence au monde, l’interaction entre le Vertical, l’Intime, et l’Horizontal, autre.
Les actualités, c’est l’inverse.
Allumez la radio : une tornade venue des régions de l'enfer balaie vos sens, réclame toute votre attention à propos d’événements réels dont aucun n’a lieu dans votre proximité, exige votre implication immédiate et constante dans des sujets dont rien ne vous concerne, votre reddition immédiate et sans conditions.
C’est un filet qu’un pouvoir extérieur et lointain jette continuellement sur vos sens captifs, et dont le vecteur principal était il y a encore peu la télévision, mot composé qui exprime la capacité de voir ce qui se passe au loin.
Qui trop embrasse mal étreint, dit cependant l’antique sagesse. Qui voit loin ne voit souvent rien de ce qui lui est actuel en propre.
Si j’ai le pouvoir d’agir sur ce qui m’est proche, comment changer les guerres, les viols, les massacres, l’esclavage, le trafic international de chair humaine, panser toutes les plaies ?
On nous fait croire qu’en donnant de l’argent à des ONG nous agissons contre l’injustice. Mensonge, extorsion de fonds. L’argent ne sert qu'à ceux qui le dépensent à votre place, souvent dans des palaces, comme l'avait déjà dénoncé Haroun Tazieff dans les années 1970.
Rien ne change. Partout le mal empire. Peu à peu, on renonce. On s'en veut. On se mine. Au sens propre. Notre enthousiasme initial s'est minéralisé en charbon noir, en regrets amers qui sortent de nous en flots gris. On ressasse l'échec. Le monde est empli de gens aigris. Et gris. Cela maintient la grisaille sur Terre, un brouillard propice aux choses qui rampent et à ceux qui recherchent le pouvoir.
Notre indignation impuissante et frustrée est une énergie inépuisable, le carburant qui permet aux injustes de se maintenir.
Voir loin, tout savoir, s’indigner, c'est du du vent. Nada.
Reviens à toi. Entre chez toi, fais du ménage dans ta maison.
Ferme les robinets d’eau sale qui dégueulent partout, les radios, les télés, les journaux, le net.
Ferme tout. Reviens à l’actualité.
Elle est là, au bout de ton nez, quand tu inspires doucement, dans ton Centre.
Seule la paix née du contact parfait entre toi et Toi, ou Lui, qu'importe, amènera la paix en cette sphère. Toi, moi, elle, reprenons le contrôle de notre actualité. C'est ainsi seulement que le monde changera, loin.
Le Grand Oeuvre (grande ouverture) commence par la fermeture à la pourriture et aux séductions du dehors.
Vieux Jade
dimanche 10 janvier 2021
Les aryens ne sont pas une race - Shri Aurobindo
Voici ce que Sri Aurobindo, poète, révolutionnaire et yogi indien entendait par le terme « Aryen », mot trop souvent mal utilisé et mal compris en Occident. Ce texte est extrait d’une réponse que Sri Aurobindo donna à un lecteur de « l’Arya », une revue qu’il éditait au début du 20ème siècle :
Aryen -
Les Indiens connaissent ce mot, mais il a perdu pour eux l’importance qu’il revêtait pour leurs ancêtres. La philologie occidentale en a fait un terme ethnologique lié à une race mal définie dont varie la valeur suivant les hypothèses. Il en est, maintenant, qui même parmi les philologues, commencent à reconnaître que ce terme, en son emploi originel, exprimait non une différence de race, mais une différence de culture. Dans le Véda, en effet, les peuples aryens sont ceux-là qui avaient accepté un mode particulier de culture de soi, d’entraînement intérieur et extérieur, d’idéalité, d’aspiration. Les dieux aryens étaient les puissances supra-physiques aidant les mortels dans leur lutte pour acquérir la nature de la divinité. Ce mot ârya résumait à lui seul les plus hautes aspirations de la race humaine à son début, son plus noble tempérament religieux et les tendances les plus idéalistes de sa pensée.
Plus tard, le mot ârya exprima un idéal éthique et social particulier, un idéal de vie bien conduite, de sincérité, de courtoisie, de noblesse, de loyauté, de courage, de bienveillance, de pureté, d’humanité, de compassion, de protection des faibles, de générosité, d’observance du devoir social, de soif de connaissance, de respect pour les sages et les savants et les réalisations sociales. C’était l’idéal à la fois du brâhmane et du kshatriya (1). Tout ce qui s’écartait de cet idéal, tout ce qui tendait à être vil, mesquin, obscur, grossier, cruel ou faux était qualifié de non aryen. Aucun mot du langage humain n’a de plus noble histoire.
(1) Brâhmane et Kshatriya : la caste sacerdotale et la caste chevaleresque
Aux premiers temps de la philologie comparée, lorsque les érudits cherchèrent dans l’histoire des mots l’histoire préhistorique des peuples, on crut que le mot ârya dérivait de la racine ar, labourer, et que les Aryens védiques furent ainsi nommés quand ils se séparèrent de leurs parents du Nord-Ouest, qui méprisaient les travaux d’agriculture et demeurèrent bergers ou chasseurs.
Cette hypothèse ingénieuse n’a guère ou même point de base. Mais en un sens, nous pouvons accepter la dérivation. Quiconque cultive le champ que l’Esprit Suprême a fait pour lui – sa terre de plénitude intérieure et extérieure – quiconque ne le laisse pas sans produire ni ne permet que l’ivraie l’étouffe, mais travaille pour en tirer tout ce qu’il peut donner, celui-là, par cet effort même, est un Aryen.
Si ârya n’était qu’un terme de race, une étymologie plus vraisemblable serait ar, force ou vaillance, qui vient de ar, combattre, d’où Arès, le nom du dieu grec de la guerre, et peut-être même aréïos, vertu, qui a d’abord, comme le latin virtus, le sens de force et de courage physiques, puis celui de force et d’élévation morales. Nous pouvons aussi accepter ce sens pour ârya. « Nous combattons pour acquérir la Sagesse sublime, c’est pourquoi les hommes nous appellent guerriers. »
Car la Sagesse implique choix et connaissance de ce qui est le meilleur, le plus lumineux, le plus divin. Certainement, elle signifie aussi la connaissance de toutes choses, la charité et le respect à l’égard de toutes choses, même de celles qui paraissent les plus misérables, les plus laides ou les plus obscures, pour l’amour de la Déité universelle qui choisit de demeurer également en toutes. Mais encore, la règle de l’action correcte est un choix, c’est préférer ce qui exprime la divinité à ce qui la dissimule. Et le choix entraîne une bataille, une lutte. On ne le fait pas facilement et on ne le met pas facilement en pratique.
Quiconque fait ce choix, quiconque cherche à s’élever de palier en palier vers la hauteur divine, sans rien craindre, sans se laisser rebuter par aucun retard ni aucun échec, sans se dérober devant une vastitude parce qu’elle est trop vaste pour son entendement, ni devant une hauteur parce qu’elle est trop haute pour son esprit, ni devant une grandeur parce qu’elle et trop grande pour sa force et son courage, celui-là est l’Aryen, le combattant et le vainqueur divins, le noble, aristos, le meilleur, le shreshtha de la Guîta.
Intrinsèquement, dans son sens le plus fondamental, ârya veut dire effort, ascension, triomphe. L’Aryen est celui qui combat et triomphe de tout ce qui, en lui ou hors de lui, fait obstacle au progrès humain. La conquête de soi est la première loi de sa nature. Il triomphe de la matière et du corps et n’accepte pas, comme le fait l’homme ordinaire, leur pesante lenteur, leur inertie, leur routine mortelle et leurs limitations tamasiques (2).
Il triomphe de la vie et des énergies vitales et refuse d’être dominé par leurs faims et leurs fringales ou asservi par leurs passions râdjasiques (3). Il triomphe du mental et de ses habitudes, il ne vit pas dans une coquille d’ignorance, de préjugés héréditaires, d’idées communes, d’opinions agréables mais sait comment chercher et choisir, comment être d’une intelligence large et souple, tout en ayant une volonté ferme et forte. Car en toutes choses, il recherche la vérité, en toutes choses la justice, en toutes choses la grandeur de la liberté.
Pour lui, le but de sa conquête de soi est sa propre perfection. Il ne détruit pas donc pas ce qu’il conquiert, mais l’ennoblit et le complète. Il sait que le corps, la vie et le mental lui sont donnés afin qu’il parvienne à quelque chose qui leur soit supérieur ; ceux-ci doivent donc être dépassés et surmontés, leurs limitations repoussées, et l’assouvissement de leurs plaisir rejeté.
Mais il sait également que le Très-Haut n’est pas une nullité dans le monde, mais qu’Il s’y exprime de plus en plus, que c’est une Volonté, une Conscience, une Béatitude divine, un Amour divin se déversant, dans les termes de la vie inférieure, sur celui qui Le trouve et, alentour sur tout ce qui est capable de Le recevoir. C’est cela qu’il cherche, et il en est le serviteur et l’amant. Quand il l’a atteint, il le répand sur l’humanité sous forme d’activité, d’amour, de joie et de connaissance. L’Aryen, en effet, est toujours un travailleur et un guerrier. Il ne s’épargne aucun labeur mental ou corporel, soit qu’il cherche le Très-Haut, soit qu’il Le serve. Il n’esquive aucune difficulté, ni ne cède à la fatigue. Il combat sans cesse pour l’avènement de ce royaume en lui-même et dans le monde…
(2) Tamasique : de tamas, l'un des 3 gunas (qualités) à l'origine de toute manifestation. Tamas représente l'obscurité, l'ignorance.
(3) Radjasique : de radjas, le guna de dynamisme, de passion
jeudi 7 janvier 2021
Le vrai remède à la souffrance du monde - Frithjof Schuon
Selon la conviction unanime de l'ancienne Chrétienté et de toutes les
autres humanités traditionnelles, la cause de la souffrance dans le monde est la
déchéance de l’homme et non un simple manque de science et d'organisation.
Nul progrès ni nulle tyrannie ne viendra jamais à bout de la souffrance; seule la
sainteté de tous y parviendrait dans une certaine mesure, s'il était possible en fait
de la réaliser et de transformer ainsi le monde en une communauté de
contemplatifs et en un nouveau Paradis terrestre.
Ce n'est pas à dire, assurément,
que l'homme ne doive pas, conformément à sa nature et au simple bon sens,
chercher à vaincre les maux qui se présentent dans sa vie; pour cela, il n’a
besoin d’aucune injonction divine ni humaine. Mais chercher à établir dans un
pays un relatif bien-être en vue de Dieu est une chose, et chercher à réaliser le
bonheur parfait sur terre et en dehors de Dieu en est une autre ; ce second but est
voué d'avance à l'échec, précisément parce que l’élimination durable de nos
misères est fonction de notre conformité à la Nature divine, ou à notre fixation
dans le « royaume de Dieu qui est au-dedans de vous ».
Tant que les hommes
n'auront pas réalisé l’ « intériorité » sanctifiante, l'abolition des épreuves
terrestres est non seulement impossible, elle n'est même pas désirable; car le
pécheur — l’homme « extériorisé » — a besoin de souffrance pour expier ses
fautes et pour s’arracher au péché, ou pour échapper à « l’ extériorité » dont le
péché dérive.
Au point de vue spirituel, qui seul tient compte de la vraie cause
de nos calamités, le mal est, non par définition ce qui fait souffrir, mais ce qui,
même avec un maximum de confort ou d’agrément, ou de « justice » si l’on
veut, frustre un maximum d’âmes de leurs fins dernières. Tout le problème se
réduit en somme au nucléus de questions suivant : à quoi bon éliminer des effets
si la cause demeure et continue à produire indéfiniment des effets semblables ?
Et à plus forte raison : à quoi bon éliminer les effets du mal au détriment de
l'élimination de la cause même ; et enfin, à quoi bon les éliminer en remplaçant la cause par une autre encore bien plus pernicieuse, à savoir la haine du
Souverain Bien et la passion des choses impermanentes ? En un mot : si l'on
combat les calamités de ce monde en dehors de la vérité totale et du bien ultime,
on créera des calamités incomparablement plus grandes, à commencer,
précisément, par la négation de cette vérité et la confiscation de ce bien ; ceux
qui entendent libérer l'homme d'une « frustration » séculaire sont en fait ceux
qui lui imposent la plus radicale et la plus irréparable des frustrations.
Les fruits de l'utopie communiste |
_____
Comprendre la religion, c'est l'accepter sans lui poser des conditions désinvoltes ; lui poser des conditions, c'est évidemment ne pas la comprendre et la rendre subjectivement inefficace ; l’absence de marchandage fait partie de l'intégrité de la foi. Poser des conditions, — que ce soit sur le plan du « bien-être » individuel ou social ou sur celui de la liturgie que l’on voudrait aussi plate et triviale que possible, — c’est ignorer fondamentalement ce qu'est la religion, ce qu’est Dieu et ce qu'est l’homme; c’est réduire d’emblée la religion à un arrière plan neutre et inopérant qu’elle ne saurait être en aucune façon, et c’est lui enlever d’avance tous ses droits et toute sa raison d’être.
L'humanitarisme profane, avec lequel la religion officielle entend se confondre de plus en plus, est incompatible avec la vérité totale et par conséquent aussi avec la véritable charité, pour ia simple raison que le bien-être matériel de l’homme terrestre n’est pas tout le bien-être et ne coïncide pas, en fait, avec l'intérêt global de la personne humaine immortelle.
« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît »
Matthieu (6, 33)
Source : Esotérisme comme principe et comme voie - Frithjof Schuon
mardi 5 janvier 2021
LA FOI - Emmanuel d’Hooghvorst
Nous trouvons dans le Coran, Sourate 28 L’Histoire, au verset
37:
"Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire et qui auront le paradis
pour récompense. Certainement la félicité ne sera point le
partage des méchants."
Je ne sais pas si vous vous rendez suffisamment compte de la
nécessité de la foi dans la voie où nous sommes engagés. Tous les
dons parfaits viennent de Dieu seul, et on dirait que cela gêne
terriblement beaucoup de gens tant on les voit s’agiter pour essayer
d’obtenir par eux-mêmes ce qu’ils refusent de demander à Dieu. Il
est fort difficile au début de comprendre la nécessité et la valeur de
la foi en Dieu. Je le sais par expérience personnelle et c’est pour cela
que j’attire votre attention sur cette nécessité. Et je voudrais préciser
ma pensée. Pour employer le langage de la théologie catholique, la
foi est une vertu que nous pouvons envisager sous deux aspects
différents, un aspect théologique et un aspect théologal.
Le nombre des croyants qui possèdent la vertu théologique de
la foi est très nombreux. Nous côtoyons tous les jours des gens,
qu’ils appartiennent ou non à une religion, qui nous disent qu’ils
croient en Dieu. Ils croient en Dieu théologiquement, ils croient par
exemple au Dieu de Voltaire, l’horloger qui a fabriqué et remonté la
pendule du monde. C’est une foi peut-être un peu sentimentale, mais surtout intellectuelle ; c’est l’esprit qui s’incline devant
l’évidence de l’existence de Dieu.
Mais cette foi n’entre pas dans leur vie. Toute autre est la foi
théologale, et, celle-là beaucoup plus rare. C’est la foi qui pénètre
toute notre vie, et qui règle notre comportement dans ce monde et
celle-là seule a quelque valeur aux yeux de Dieu parce qu’elle établit
en quelque sorte avec lui un lien de familiarité, un lien de famille,
un lien qui fait que nous nous faisons connaître à Dieu. C’est pour
cela que le prophète dit :
Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire.
C’est ainsi que la vie du croyant doit être absolument différente
de celle du profane qui est obligé de travailler sans cesse et de
s’agiter pour vivre, parce qu’il est seul au monde et qu’on peut dire
d’une certaine façon que là, Dieu ne le connaît pas, même s’il
participe tous les dimanches à l’office divin, même s’il récite
mécaniquement tous les jours des prières apprises par cœur. Le
véritable croyant est calme, serein, toujours joyeux et quand il désire
quelque chose, il le demande à Dieu, sans rien attendre du monde,
ni de lui-même. C’est un grand bienfait de Dieu, d’avoir cette foi, et
peut-être ne la possédons-nous pas. Dans ce cas commençons par
le demander à Dieu, par lui demander de nous l’accorder, non par
l’effet de nos mérites personnels mais en vertu de sa miséricorde.
Sachez que si vous avez la foi, tout ce que vous demanderez à Dieu,
Il vous l’accordera : vous m’entendez bien ! Tout ce que vous
demanderez avec foi, vous le verrez se réaliser. C’est un secret
dangereux et terrible que je vous donne là. Prenez donc bien garde
à ce que vous demanderez, pour ne pas demeurer ridiculement au dessous du don de Dieu.
Peut-être avez-vous déjà lu dans ce livre admirable qu’est
l’histoire des chevaliers de la Table Ronde, l’histoire de la quête du
Saint Graal par Lancelot du Lac. Ce chevalier, parti comme tant
d’autres à la recherche du Graal, apporté autrefois par Joseph
d’Arimathie dans la Bretagne Bleue, parvint un jour comme Hercule
à l’embranchement de deux voies qui se séparaient en forme de Y.
Et il entendit une voix qui l’avertissait que ces deux voies menaient
à un but bien différent. L’une était celle de la chevalerie terrestre,
l’autre bien plus difficile, de la chevalerie célestielle ; et la voix
l’avertissait que s’il choisissait cette dernière, il lui faudrait d’autres
armes que celles qu’il avait employées jusque-là. Lancelot s’y
engagea. Je passe sur les longs détails des événements qui lui
advinrent par la suite. Mais un jour, après avoir longtemps erré dans
la forêt solitaire, après avoir durement combattu, après avoir
beaucoup prié, il vit soudain se dresser devant lui, comme par magie, le château enchanté, le Castel du Graal en lequel se trouve
le parfait contentement.
Il traversa le pont levis et pénétra tout armé
dans la cour du château où il vit quatre lions rugissants prêts à lui
barrer la route. Lancelot qui avait le cœur brave, en avait vu
d’autres. Il baissa sa lance, se mit en garde et mit son cheval au
galop pour foncer sur les lions. Mais à ce moment, une main
invisible lui asséna une gifle avec une telle force qu’il roula à terre,
désarçonné. Tandis qu’il se relevait tout piteusement, considérant
son casque bosselé, étirant ses membres endoloris, il entendit une
voix céleste qui lui disait :
« O Lancelot, tu as trop préjugé de tes
forces, ici tes armes ne valent rien, tu as choisi une voie qui n’était
pas pour les orgueilleux comme toi. Si seulement, tu avais eu la foi
en l’amour de ton Seigneur, tu serais passé tranquillement devant
ces lions qui se seraient écartés devant toi, car ils eussent reconnu
en toi un familier de la maison ».
Car ici, je dois ajouter quelque chose à ma définition de la vertu
théologale de la foi : ce n’est pas la foi en Dieu que nous devons avoir
seulement, mais la foi en l’Amour de Dieu, car c’est à cela que le Père
reconnaît ses enfants. Mon Dieu connaît ceux que la foi éclaire… Il
les reconnaît au fait qu’ils croient en son amour. C’est le même
prophète Mahomet qui dit quelque part que Dieu ne donne sa
sagesse qu’à ceux qui ont un cœur.
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