lundi 1 février 2021

Dieu et l'existence du mal - La Théodicée




Au premier abord, il pourrait sembler évident que si Dieu a créé toutes choses, alors il a aussi créé le mal.
Cependant, le mal n’est pas une « chose » créée, comme l’est un arbre ou la lumière. Le mal n’existe pas en lui-même : c’est l’absence de bien. Par exemple, les trous existent réellement, mais seulement dans quelque chose d’autre. On peut appeler l’absence de gruyère un trou, mais il sera inséparable de l’idée de gruyère. Ainsi, il est vrai que tout ce que Dieu a créé était bon, notamment ses créatures libres de choisir le bien.
Pour que le choix soit réel, Dieu a dû permettre une alternative au bien, une absence de lumière, de bien… des « ténèbres » pour séparer ses créatures de Lui-même, la lumière infinie.

*Dieu dit: " Que la lumière soit! " et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière et les ténèbres* (Genèse I, 3,4)

S'il ne fait pas directement le mal, Il «permet» donc, néanmoins, que certaines créatures le fassent, en vertu de leur libre vouloir et à partir des «ténèbres» qu'Il a actualisées ou «créées», pour séparer tout le reste du crée ou fini d'avec Sa Réalite incréée et infinie ; et ceci, sans que ces ténèbres soient elles-mêmes le mal.
En effet, puisque Dieu permet le mal de par la libre volonté qu'Il a accordée aux créatures en question, et qu'Il a produit les «ténèbres» par diminution et privation de la «lumière» qui manifeste son Etre, on peut dire qu'Il a indirectement «crée» le mal, donc sans le «faire» directement. En créant, Il «fait le bien», parce qu'Il affirme ainsi son Etre et tout ce qui est, tout ce qui participe et dépend de son Etre. Mais en créant, Il ne peut point ne pas créer en même temps les limites du crée ou fini qui, d'une part séparent relativement ce dernier de son Infinitude et qui, d'autre part, mettent un terme à la finitude même du crée.

En d'autres termes : Dieu est Toute-Bonté, et le monde en est l’image; mais comme l’image ne saurait, par définition, être Ce qu’elle représente, le monde doit être limité par rapport à la Bonté divine, d’où l’imperfection dans l’existence; les imperfections ne sont pas autre chose, par conséquent, que des sortes de « fissures » dans l’image de la Toute-Perfection divine, et de toute évidence elles ne proviennent pas de cette Perfection, mais du caractère nécessairement relatif ou secondaire de l’image.
(Frithjof Schuon - L'Unité transcendante des religions)

Dire que le Mal n'est pas une substance, une réalité, dire qu'il est « un rien » n'est pas pour autant nier son existence. On a quelquefois tendance à considérer cette doctrine comme une échappatoire, une position trop facile, qui ferme les yeux sur l'objet dont il s'agit de rendre compte.
Un trou est, certes, une diminution ou une privation de quelque chose... Mais si l'on déni que le trou est pourtant bien là, on risque de tomber dedans et se tuer!

Il faut donc toujours avoir bien soin de mettre chaque chose à sa place